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Philippe Gélie: «Le monde selon Trump a des couleurs changeantes»

Rédigé par leral.net le Samedi 15 Avril 2017 à 15:20 | | 0 commentaire(s)|

Il y a plus que de la candeur, presque de la vantardise dans la manière dont Donald Trump proclame que les relations entre les États-Unis et la Russie sont à un « niveau historiquement bas ». Surprenant pour un homme qui se faisait fort de nouer un partenariat constructif avec Vladimir Poutine, et dont le secrétaire d’État boucle à peine sa première visite à Moscou.

Conséquemment, « l’Otan n’est plus obsolète », annonce le Président américain, s’attribuant le mérite d’un investissement accru de ses membres dans leur défense et d’une attention renforcée à l’antiterrorisme. En parallèle, voilà que la Chine, promise à une guerre commerciale, devient l’élève modèle de la classe, après un week-end « d’alchimie positive » avec le président Xi Jinping sur les parcours de golf floridiens de Mar-a-Lago.
 

Le monde du président Trump ne ressemble décidément pas au monde du candidat Trump. C’est peut-être le destin sans surprise de déclarations électorales à l’emporte-pièce, proférées par un néophyte qui misait plus sur son « instinct » que sur sa connaissance des subtilités géopolitiques. D’aucuns y voient le signe rassurant d’un retour à la réalité, influencé par les esprits « raisonnables » du gouvernement, le très influent gendre Jared Kushner et sa coalition de généraux et d’hommes d’affaires – de Mattis à McMaster et Tillerson. L’incertitude qui plane sur le sort de Steve Bannon, idéologue populiste en perte de vitesse, confirmerait le processus de « normalisation » de la présidence Trump.
 

Mais attention aux mirages. La constance, tenue pour une vertu dans les milieux diplomatiques, n’intéresse pas Donald Trump. « Il n’est pas doctrinaire et regarde les choses sous un angle opportuniste, explique un responsable à la Maison-Blanche. Le président est quelqu’un qui voit des possibilités là où beaucoup d’autres verraient des difficultés. » Ses changements de pied sont justifiés avant tout, par les avantages qu’il espère en retirer. Trump est le « négociateur en chef » dont la promesse fondamentale – faire bénéficier les Américains des meilleurs « deals » – transcende toutes les autres.
 

Si la Chine échappe pour l’instant à la menace de tarifs douaniers et à l’accusation de « manipulatrice de monnaie », c’est parce qu’elle semble en voie d’aider Washington sur des enjeux plus urgents. Appelé à faire pression sur la Corée du Nord, le président Xi a déjà interrompu les livraisons de charbon à Pyongyang. Pékin s’est aussi abstenu lors du dernier vote sur la Syrie au Conseil de sécurité de l’ONU, après six veto. Mais l’accord est précaire: si la Chine ne « s’occupe (pas) comme il faut de la Corée du Nord, les États-Unis s’en chargeront », a répété le président jeudi sur Twitter.
 

Avec Trump, le curseur des alliances et des épreuves de force promet de bouger constamment. Sur la Syrie, son Administration a exprimé pas moins de cinq positions distinctes au cours des trois dernières semaines, jusqu’à un interventionnisme armé aussi soudain qu’inattendu de la part du champion de « l’Amérique d’abord ». Sa propension actuelle à tenir la Russie à distance, s’explique en partie par les enquêtes que mènent le FBI et le Congrès sur les soupçons de collusion entre sa campagne et le Kremlin. Mais là encore, rien n’est figé : « Les choses vont s’arranger (avec) la Russie, a-t-il tweeté jeudi. Le moment venu, chacun retrouvera ses esprits et il y aura une paix durable. »
 

« Sur la Syrie, son Administration a exprimé pas moins de cinq positions distinctes au cours des trois dernières semaines»

Le Figaro