Une flopée de déclarations de candidatures à la présidentielle de février 2024 est notée depuis quelques jours. Mais, selon des analystes politiques interrogés, certains parmi les candidats déclarés ne sont mus que par la quête de notoriété et de privilèges.
À sept mois de l’élection présidentielle, on constate une floraison de candidatures à la présidentielle de février 2024. Une quarantaine de personnes ont, au moins, déjà annoncé leur intention de briguer les suffrages des Sénégalais afin de succéder au Chef de l’État sortant, Macky Sall. Parmi eux, des leaders de partis politiques qui n’ont jamais participé à une élection et des inconnus dans le landerneau politique. Cette semaine, trois noms sont venus s’ajouter à cette liste. Il s’agit d’Anta Babacar Ngom, fille de l’homme d’affaires Babacar Ngom, d’Abdoul Aziz Diop, Ministre conseiller du Président de la République, et de Thierno Lô, ancien Ministre. Une liste qui pourrait s’allonger dans les prochains jours. D’autres prétendants au fauteuil présidentiel pourraient encore se signaler, d’autant plus qu’au sein de la majorité présidentielle, aucun candidat ne s’est encore montré. Ce, même si des ambitions présidentielles inavouées sont prêtées à certains leaders. Aussi, depuis que le Président de la République a déclaré qu’il ne se présenterait pas pour un troisième mandat, il y a eu des supputations sur certains leaders qui pourraient diriger cette coalition.
Cependant, la question qui se pose est : qu’est-ce qui fait courir les gens au point qu’ils veuillent tous être candidats à l’élection présidentielle ? « C’est l’enjeu de la fonction », a répondu l’analyste politique Mamadou Sy Albert, rappelant que la fonction présidentielle est la plus prestigieuse sur le plan politique. Et selon lui, le rêve de tout homme politique, c’est d’occuper le fauteuil présidentiel. Pour Moussa Diaw, ces déclarations de candidatures sont favorisées par l’ouverture du jeu politique qui permet à chacun de se déclarer candidat sans avoir ni les ressources encore moins les capacités. « Ces candidatures sont des effets d’annonce. Certains cherchent de la notoriété. Ils ont envie de se soupeser au niveau de l’opinion pour savoir ce qu’ils représentent en termes d’audience », a expliqué le Professeur de Sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Tout de même, il reconnaît qu’il y a sur la liste quelques candidatures sérieuses, c’est-à-dire des prétendants au fauteuil présidentiel qui sont connus, qui sont dans l’espace politique et qui veulent tenter leur chance pour se positionner davantage sur l’échiquier politique du pays.
« 80 % des candidats déclarés ne font pas le poids »
Pour sa part, El Hadji Seydou Nourou Dia, expert sur les questions électorales, est formel. D’après lui, 80 % des candidats déclarés ne font pas le poids. La majorité d’entre eux, argue-t-il, n’ont pas de base politique solide. « Certains prétendants au fauteuil présidentiel sont sérieux parce qu’ils ont non seulement l’ambition, mais également l’étoffe et tout le nécessaire qu’il faut. Mais, c’est un nombre minime par rapport à la donne actuelle », a-t-il soutenu. M. Dia de relever : « Il y a des candidatures qui n’iront nulle part, compte tenu des conditions qu’il faut remplir pour être accepté. A priori, on sait que ces gens-là ne remplissent pas ces conditions. Mais, au moins, le seul fait de se déclarer candidat, de se donner les moyens pour être visible, permet d’attirer l’attention sur soi. Donc, ils déclarent leur candidat pour se faire connaître davantage et s’associer plus tard avec les candidats sérieux à des fins personnelles ». Toutefois, il a souligné que le parrainage et la caution sont là pour filtrer toutes les candidatures fantaisistes.
Aliou DIOUF
Les pouvoirs et prérogatives du Président de la République
La fonction de Président de la République attise les convoitises. Même si beaucoup d’acteurs politiques ayant déclaré leur candidature confient s’être engagés pour servir le pays, il est clair que le Chef de l’État a beaucoup de pouvoirs et de prérogatives qu’il tient de la Constitution du Sénégal.
La fonction de Président de la République est l’un des statuts les plus attrayants au monde. Beaucoup rêvent de le devenir, mais peu sont ceux qui peuvent atteindre cet objectif. Au Sénégal, à l’approche de chaque élection présidentielle -temps de forte ferveur politique- chaque semaine, on assiste à plusieurs déclarations de candidatures. Déjà, on a noté plus d’une quarantaine de candidatures d’hommes et de femmes voulant diriger le Sénégal.
Pour beaucoup, ce qui fait courir ces candidats, ce sont les avantages et autres prérogatives accordés au Chef de l’État. À la lumière de la lecture de la Constitution du Sénégal, on se rend compte que le titre « d’homme le plus puissant du Sénégal » collé au Chef de l’État n’est pas exagéré. Dans le titre 3 de la Constitution sénégalaise qui traite « Du Président de la République », des articles 26 à 52 (loi constitutionnelle n° 2016-10 du 5 avril 2016 portant révision de la Constitution -JORS, numéro spécial 6926 du 7 avril 2016-), les conditions à remplir pour devenir Président, la procédure de son élection de même que les pouvoirs du Chef de l’État sont bien mis en exergue.
L’article 42 de la Constitution sénégalaise renseigne que le Chef de l‘État sénégalais a beaucoup de pouvoir. Cet article dispose que « le Président de la République est le gardien de la Constitution », « il est le premier Protecteur des Arts et des Lettres du Sénégal », il « incarne l’unité nationale ». D’après le même article, le Président « est le garant du fonctionnement régulier des institutions, de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire. Il détermine la politique de la Nation. Il préside le Conseil des Ministres ».
Le Président de la République nomme aux emplois civils (article 44). Cette disposition accorde ainsi beaucoup de prérogatives au Chef de l’État qui peut promouvoir beaucoup de personnes, notamment ses collaborateurs politiques, à des postes stratégiques durant toute la durée de son mandat. Cela est traduit par le constat selon lequel « avec sa signature, un Président fait et défait des carrières ».
Dans le même ordre d’idées, l’article 45 de la Constitution dispose que « le Président de la République est responsable de la Défense nationale », « il préside le Conseil supérieur de la Défense nationale et le Conseil national de sécurité. Il est le Chef suprême des Armées, il nomme à tous les emplois militaires et dispose de la force armée ».
Le Président nomme à tous les emplois civils et militaires
Dans la mise en œuvre de la politique diplomatique, « le Président de la République accrédite les Ambassadeurs et les Envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères ». Les Ambassadeurs et les Envoyés extraordinaires des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui (article 46).
Un autre pouvoir et pas le moindre accordé par la Constitution, notamment sur le plan judiciaire : « le Président de la République a le droit de faire grâce (Article 47) ».
Même si le Gouvernement est une institution, « le Président de la République nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions. Sur proposition du Premier ministre, le Président de la République nomme les Ministres, fixe leurs attributions et met fin à leurs fonctions » (Article 49). Cette prérogative est un rêve pour beaucoup d’hommes politiques qui peuvent ainsi gouverner, mettre en œuvre leur programme de société, mais aussi responsabiliser leurs alliés politiques.
Par moment même, pour la sécurité nationale, le Chef de l’État peut user de « pouvoirs exceptionnels ». D’après l’article 52, « lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national ou l’exécution des engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ou des institutions est interrompu, le Président de la République dispose de pouvoirs exceptionnels ». Il peut ainsi, « après en avoir informé la Nation par un message, prendre toute mesure tendant à rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions et à assurer la sauvegarde de la Nation ». Autant de pouvoirs prévus par la Constitution qui font courir les hommes politiques sans oublier les avantages financiers avec la fameuse « Caisse noire » ou « Fonds politiques du Président ».
Oumar KANDÉ
Source : https://lesoleil.sn/plethore-de-declarations-de-ca...