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« Sécurisation du processus électoral : les ratés de 2012 sont encore là en 2019 ! » (Par Alioune DIOP, Colonel (Er))

Rédigé par leral.net le Vendredi 15 Février 2019 à 15:10 | | 0 commentaire(s)|


A la même époque environ en 2012, suite d’une part au refus de gouvernement d’alors de détacher des éléments de protection auprès du candidat de l’opposition admis au deuxième tour, et d’autre part de l’émotion soulevée par des actes bien répréhensibles des forces de sécurité ( véhicule canon à eau de la police fonçant sur la foule au monument de l’obélisque à Dakar , jet de grenades lacrymogènes dans une mosquée située dans le centre-ville de la capitale …etc..) nous avions fait publier à travers la presse locale un article intitulé : « sécurisation du processus électoral : posture bien discutable des forces de sécurité » .

Les points essentiels évoqués dans cette contribution-là avaient trait aux responsabilités de l’Etat et des forces de sécurité en matière de sécurisation du processus électoral, et ce, conformément aux textes en vigueur au niveau de la CEDEAO. Malheureusement, les récents événements tragiques de Tambacounda, prouvent bien que, d’une élection à une autre, les autorités sénégalaises chargées de la sécurité des élections, semblent méconnaitre (peut-être) ces textes ratifiés par leur pays.
Les différents accords, continentaux ou régionaux, sont respectivement :
  • La Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance de l’Union Africaine,
  • Le Protocole sur la Démocratie et la Bonne Governance de la CEDEAO (Section IV du Protocole A/SP1/12/01),
  • Rapport du Colloque d’Accra sur les Elections en Afrique (novembre 2009),
  • Et enfin la Déclaration de Praia sr les élections et la stabilité en Afrique de l’Ouest (mai 2011).  
Et c’est bien cette déclaration de Praia qui souligne avec une précision on ne peut plus nette les responsabilités de chaque entité, à savoir :
  1. « L’Etat doit assurer la protection sans discrimination de tous les électeurs et des candidats, en particulier les femmes candidates, contre la violence, l’intimidation et toutes les autres formes de violation de droits de l’homme » (point A28)[[1]]url:#_ftn1
  2. « Les Forces de sécurité doivent assurer l’impartialité et la neutralité des forces de sécurité pendant les élections : assurer que la protection des populations et des biens est une priorité, comme partie des engagements des forces de sécurité pour un cadre plus large de sécurité humaine » (point B35),
  3. « Etablir une force de sécurité électorale ad hoc dans les contextes de fragilité institutionnelle, sous la supervision d’un organe intégré et impartial de coordination de la sécurité électorale » (point B38).
En termes clairs, l’analyse de tous ces points ci-dessus mentionnés permettent de retenir, dans le cas actuel du Sénégal que :
  • Le ministère de l’intérieur devait mettre à disposition de tous les candidats retenus par le conseil constitutionnel une solide équipe de protection bien avant le démarrage de la campagne électorale : ce n’est ni une faveur, ni une concession, mais un droit,
 
  • L’existence d’un organe intégré et impartial de coordination de la sécurité électorale n’est pas communiquée au public : aucune communication conjointe police –gendarmerie n’ayant été faite à ce jour à travers les media pour expliquer le déploiement et les opérations sur le plan national. Toutefois des communications individuelles par arme sont notées à la télévision.
Force est de de constater qu’une posture d’anticipation et de respect des accords et textes en vigueur au niveau de la CEDEAO, auraient permis de réduire les suspicions d’attitude partisane du ministère de tutelle et le recours des candidats-opposants à des membres de la diaspora exerçant dans la sécurité en France ou à des lutteurs ou loubars de qualification douteuse.

La sécurisation du processus électoral n’est plus une procédure d’arrangement ou de concession mais une matière qui fait partie intégrante de la gestion de la sécurité (security management) : elle fait désormais l’objet d’enseignements fréquents par le biais de séminaires, leçons apprises et bonnes pratiques à partager.

Le rétropédalage consistant à affecter d’urgence, post-évènements de Tamba, des équipes de protection aux candidats, est certes salutaire mais soulève encore le débat global du maintien de la sécurité publique au sein du ministère de l’intérieur.
A cet égard, nous sommes d’avis qu’il est grand temps que le Sénégal rejoigne les pays qui ont mis en place un ministre de la sécurité publique.

Nous savons tous les candidats préoccupés actuellement par la dernière ligne droite de la campagne électorale, mais nous lançons à chacun d’entre eux, et particulièrement à celui qui sera élu président de la république, un appel urgent pour envisager, à l’instar de nombre de pays du continent, la création d’un département ministériel chargé de la sécurité publique, laissant au ministère de l’intérieur l’administration territoriale en sus d’autres responsabilités régaliennes à préciser.

Les multiples menaces, transfrontalières, terrorisme …etc…qui sévissent à nos frontières et qui guettent notre pays avec l’exploitation toute proche d’importantes ressources pétrolières et gazières militent assurément à la création de ce nouveau département ministériel.
 
                                                                   Alioune DIOP, Colonel (Er)
                                                                   Ancien Conseiller Principal Sécurité des                                                                    Nations Unies
                                                                   Consultant
                                                                   Mail : aldiop30@gmail.com
                                                                   Février 2019
CONTRIBUTION URGENTE :
TITRE : « SECURISATION DU PROCESSUS ELECTORAL :
POSTURE BIEN DISCUTABLE DES FORCES DE SECURITE » !
 
Alioune Diop, Colonel en retraite
Ancien Conseiller Principal Sécurité des Nations Unies
Expert, Sécurité, Defense , Réinsertion.
Mail : aldiop30@gmail.com
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Les images défilant en boucle sur les télévisions nationales – désormais accessibles á travers le monde entier – et relatant les actes de violence qui ont marqué le début de la campagne électorale au Sénégal, ne font que corroborer toutes les appréhensions de nombre d’observateurs avisés quant á l’avènement inéluctable d’un processus électoral caractérisé par un climat de violences et de perturbations sociales !
Le ton a été donné par l’attaque délibérée de la commune de Sicap – Mermoz précédée par l’envoi de nervis aux domiciles de leaders de l’opposition …il ya deux mois environ, mais les événements de ces derniers jours vont bien au-delà de simples luttes et bagarres partisanes : á cet égard les medias, toutes catégories confondues, ont fait état de : 
  • Policier tué par des manifestants á Dakar
  • Véhicule de police de type canon à eau fonçant sur la foule jusqu'à causer mort d’homme et de nombreux blessés,
  • Tirs sur des ambulances d’intervention d’urgence,
  • Jets de grandes lacrymogènes à l’intérieur d’un lieu de culte, particulièrement la zawiya de l’avenue Lamine Gueye, 
  • Gendarme accusé à Podor d’avoir tiré des balles réelles sur la foule sous prétexte que le stock de grenades lacrymogènes est terminé, causant également mort d’hommes, 
  •  Accusations d’utilisation excessive et démesurée de la force par la police jusqu’á soulever la colère et la condamnation des organisations des droits de l’homme,
  • Arrestations jugées arbitraires et accusations de tortures diverses sur les personnes arrêtées par la police,
  • Entraves répétées au droit de manifestations des opposants politiques et des membres de la société civile,
  • Attaques délibérées contre les convois de leaders de l’opposition, à Dakar et dans certaines régions,
  • Accusations d’attaques délibérées contre des journalistes nationaux ou étrangers,
Ces différents événements ont eu comme conséquences immédiates : d’une part des doutes profonds de la population sur l’impartialité des forces de sécurité en période électorale, et d’autre part une première remise en cause par la communauté internationale de la réputation de professionnalisme et de maitrise des forces de sécurité sénégalaises et de leur non respect des droits de l’homme en matière de maintien de l’ordre.

En réalité ce qui est vraiment en question c’est bien la posture adoptée par les forces de sécurité au cours de cette période électorale.

Il convient d’analyser le problème au regard d’une part des textes, règlements et recommandations des institutions que sont l’Union Africaine et la CEDEAO et leurs organes affiliées ou partenaires et d’autre part au regard de l’évolution du concept de sécurité, et particulièrement au niveau des dérapages souvent causés par des forces de sécurité qui confondent sécurité nationale (national security) et sécurité du régime en place (regime security).
C’est d’abord la Déclaration conjointe OUA / Union Africaine de Durban 2002 relative aux Principes Régissant les Elections Démocratiques en Afrique qui situe dans sa section III les responsabilités des états membres, en précisant aux points :
  • d. « sauvegarder les libertés humaines et civiles de tous les citoyens, y compris les libertés de mouvement / circulation, de réunion, d’association, d’expression et de campagne …et
  • f… prendre toutes les mesures et précautions pour éviter des fraudes , truquages ou tout autre acte illégal pendant le déroulement du processus électoral , en vue de maintenir la paix et la securite ».
Cette même responsabilité est d’ailleurs mise sous surveillance par les Directives pour les Missions d’Observation et de Suivi des Elections de l’Union Africaine de février 2002 qui demandent aux observateurs envoyés dans le pays d’inclure la question de savoir si «  les forces de sécurité sont en mesure d’assurer en toute neutralité la sécurité lors des élections » (Section 3.7.v) dans le cadre de la vérification des critères permettant la tenue d’élections libres, crédibles et transparentes.   

Faisant suite á la Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance de l’Union Africaine, la CEDEAO, dans la Section IV du Protocole A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance revient sur le rôle de l’Armée et des Forces de Sécurité dans la Démocratie en précisant bien á l’article 22 que « l’usage des armes pour la dispersion de réunions ou de manifestations non violentes est interdit. En cas de manifestation violente seul est autorisé le recours á l’usage de la force minimale ou proportionnée » : ce qui de l’avis de tous n’a pas été le cas lors de toutes les manifestations de l’opposition ou de la société civile organisées á ce jour á Dakar.

Les violences électorales survenues au Kenya, au Zimbabwe, au Gabon, au Togo, en Guinée et récemment en Cote d’Ivoire et marquées par des tendances fortes de répressions systématiques des forces de sécurité contre les opposants de tous bords ont alerté nombre d’institutions sur l’instrumentalisation récurrente des forces de sécurité par les pouvoirs en place, particulièrement en période électorale.

Nombre de séminaires et ateliers ont été organisés dans l’espace CEDEAO et des publications faites pour rappeler aux différentes autorités nationales chargées des élections et de la sécurité les règles fondamentales qui régissent la sécurisation d’un processus électoral : force est d’avouer que les archives ne permettent pas de retrouver beaucoup de noms de responsables d’institutions sénégalaises sur les différentes listes de présence …et c’est bien dommage !
Ces règles fondamentales, rappelées respectivement par le Colloque sur les Elections en Afrique (Accra – Ghana, novembre 2009) et la Déclaration de Praia sur les Elections et la Stabilité en Afrique de l’Ouest (mai 2011) se résument en ces points que nombre de gouvernements soucieux de l’émergence d’une bonne gouvernance électorale commencent á appliquer rigoureusement :
  1. L’état est responsable de la sécurité de chaque candidat présidentiel et doit lui détacher une garde rapprochée pendant la campagne électorale (NB : fait en RDC pendant les élections de novembre 2011),
  2. La sécurisation du processus électoral couvre toutes les phases de la période électorale : avant le scrutin, le jour du scrutin et la période post – électorale : elle doit être inclusive, faisant appel á toutes les parties impliquées dans le processus,
  3. Le personnel de sécurité doit rester neutre, impartial et non-partisan pendant tout le processus électoral, et éviter d’intimider les électeurs le jour du scrutin,
  4.  La mise en place d’un organe de coordination intégré et impartial chargé de la sécurité pendant les élections, réunissant tous les services de sécurité et autres parties – prenantes du processus : représentants des partis politiques, de la société civile et des medias : communément dénommé Joint Election Operation Center ou Centre Opérationnel Intégré chargé de la Sécurité des Elections (COISE),
  5. La mise en place de mécanismes de coordination et d’information au profit du public et des partis politiques impliqués dans le processus, et décentralisés pour couvrir tout le territoire national,
  6. Information sur la chaine de commandement de l’organe de coordination intégré, au niveau national et régional,
  7. Formation du personnel de sécurité sur le respect des normes internationales et standards pour le maintien de l’ordre en période électorale, y compris des notions afférentes au respect des droits de l’homme.  
Les questions que devaient se poser aujourd’hui chaque candidat comme tout observateur du processus électoral devraient être :
  1. Où se trouve le Centre Opérationnel Intégré chargé de la securite des élections (COISE) ? Qui en assure le commandement ? Quels sont les numéros VERT permettant de le contacter 24h/24 ?
  2. Quelles en sont les démembrements régionaux ? Quels en sont les numéros de contact ?
  3.  Y’a-t-il eu un briefing sécurité au profit des candidats présidentiels ? Ou bien une communication radiotélévisée des autorités de sécurité relative aux dispositions de sécurité à travers le pays ?
  4. Quels sont enfin les garanties sécuritaires offertes par l’état aux candidats présidentiels en vue de leur campagne dans le département de Bignona qui est encore le théâtre de violents combats entre militaires et rebelles ? Ou bien les citoyens sénégalais de cette zone n’ont pas besoin de recevoir leurs leaders politiques pour écouter leurs programmes et faire connaitre leurs doléances ?
En lieu et place de tout cela l’option semble être de se préoccuper d’une part de fournir les moyens matériels aux forces de sécurité pour mener á bien la répression contre les manifestants dans le cadre d’opérations dites de maintien de l’ordre et d’autre part de laisser régner un vide communicationnel qui ne dit rien sur la stratégie de sécurisation des élections !

Effectivement les nouveaux équipements et matériels étrennés par les forces de securite – identiques à ceux des FPU (Formed Police Unit des contingents de police des Nations Unies) font la satisfaction de tous les spécialistes de la securite mais, comme c’est toujours le cas pour nombre de nouveaux acquéreurs, c’est bien au niveau de l’emploi des forces – á savoir l’utilisation des moyens devant une situation particulière – que de graves dérapages sont constatés. Le cas du camion a eau fonçant sur la foule, répété d’ailleurs lors des manifestations du 15 février á la place de l’indépendance, représente une faute grave qui atteste soit de la méconnaissance des principes d’emploi de cet outil de maintien de l’ordre, soit d’une volonté délibérée de tuer ou de blesser des manifestants.

La participation aux opérations des missions de paix au sein des Nations Unies ne devrait pas être seulement des opportunités de mise à niveau logistique ou de gain de primes individuelles, mais surtout l’occasion unique d’acquérir des compétences permettant aux personnels et à leurs formations respectives d’opérer désormais selon des normes internationales qui respectent les fondamentaux de la sécurité humaine.   

A cet égard tous les reportages télévisés quotidiens de manifestations á travers l’Europe prouvent bien que le camion canon á eau sert á garder á distance les manifestants …en les neutralisant par l’envoi de rafales d’eau chaude ou froide á très haute pression : les organisations des droits de l’homme et les partis politiques concernés sont bien dans leur droit pour réclamer une commission d’enquête afin de déterminer le ou les responsables et exiger des sanctions.

L’emploi des  équipements, rudimentaires ou sophistiqués, des forces de sécurité se fait selon des règles d’engagement (rules of engagement) bien précises, définies par le fabricant et dont le non-respect engage totalement la responsabilité de l’utilisateur ou / et du commanditaire : oser déclarer que l’accident mortel de l’obélisque est juste un accident normal de la circulation, malgré ce que toutes les télévisions du monde ont montré, n’est certainement pas une excuse que les experts et spécialistes de la sécurité et des droits de l’homme vont prendre au sérieux pour disculper la police nationale .

La gestion des manifestations et des foules a des règles d’engagement bien précises : protection des sites vulnérables, encadrement des marches et sit-in, discussions et ententes avec les manifestants sur les horaires et les circuits, emploi mesuré de la force, éviter de provoquer les foules …toute une batterie de mesures existent pour gérer et manager les manifestations publiques !
Le cas de Podor, comme celui du policier tué par les manifestants á Dakar doivent tous faire l’objet de commissions d’enquête dont les résultats doivent être portés objectivement á la connaissance du public : toute gestion non-équitable de ces trois cas ne fera que renforcer auprès de l’opinion nationale et internationale le manque de transparence et de redevabilité (accountability) des autorités sénégalaises de sécurité.

L’autre paramètre, également important, d’appréciation de cette posture des forces de sécurité au cours du processus électoral demeure l’évolution du concept de sécurité depuis l’acceptation a travers le monde entier du concept de Sécurité Humaine (PNUD, 1994) qui a permis de bien clarifier progressivement les différents volets de la notion de sécurité, entre :
  • Sécurité nationale (national security) destinée a la protection des installations officielles, des biens et des personnes, ainsi que des frontières nationales avec l’implication de l’Armée,
  • Sécurité du citoyen (Citizen security) destinée en premier lieu á la protection des droits fondamentaux du citoyen et de son intégrité physique,
  • Enfin Sécurité collective qui fait appel aux efforts de coopération régionale ou continentale en matière de sécurité. 
 
 Mais ce sont bien les dérapages des forces de sécurité dans l’exercice de leur mission première de sécurité nationale en période électorale , causés soit par leur instrumentalisation par le pouvoir en place , soit par leur attitude partisane au profit de ce même pouvoir , qui ont amené l’émergence du concept de « Regime security  » ou « sécurité du regime » pour qualifier toute posture des forces de sécurité tendant á enfreindre l’exercice des libertés fondamentales des citoyens ou opposants par la répression et l’usage démesuré de la force, et ce, en violation des conventions et résolutions des institutions régionales , continentales ou mondiales .  
 
Cette dérive délibérée du concept de sécurité nationale vers celle de sécurité primordiale et exclusive du régime en place est généralement attribuée en premier lieu aux responsables des forces de sécurité du fait de leur affaissement devant la volonté et les choix discutables du pouvoir politique. Cette attitude est encore malheureusement bien ancrée dans certaines pseudo-démocraties africaines : les dérapages de la FOSEP (Force Securite Election Présidentielle) lors des élections togolaises de 2010, identiques á tous points de vue á ceux de leurs homologues guinéens de la FOSSEPEL (Force Speciale de Sécurisation du Processus Electoral), prouvent bien que les forces de sécurité francophones n’ont pas encore bien assimilé ni intégré dans leurs modes opératoires droits de l’homme et réforme du secteur de la sécurité.    
 
L’option d’exécuter « sans état d’âme, ni murmure » est totalement dépassée depuis longtemps : l’anticipation et le partage de l’information juste avec le chef politique pour l’amener á prendre des décisions conformes aux lois et règlements du pays, aux engagements internationaux et á la sauvegarde des droits fondamentaux du citoyen constituent les fondements modernes de l’interface politico-sécuritaire au sommet de l’état.
 
Les adeptes de la bonne vieille école devront certainement se rappeler que les généraux Dogbo Blé et Gue Bi Poin aussi évoquaient il y’a un an environ l’absence d’état d’âme pour justifier leurs actes : bien avant eux, les généraux togolais et guinéens s’étaient distingués dans le même moule , alors que chez nous il serait bien sage de se souvenir de la situation après service de responsables de sécurité qui avaient porter attente á l’époque á l’intégrité physique d’un certain opposant politique nommé Abdoulaye Wade ….!
 
Dans un document de référence et encore d’actualité publié par le PNUD et intitulé « Elections et Prévention de conflit » les experts de l’organisation précisaient que l’un des risques majeurs de la sécurisation du processus électoral  provient très souvent du motif que « les forces de sécurité ne font pas leur travail du fait que le secteur de la sécurité est fortement politisé : ce qui veut dire que cadres et troupe des forces de sécurité manquent á leur devoir d’agir en toute neutralité ( i.e. leur mandat de protéger la société et les lois constitutionnelles) car ils agissent au nom du gouvernement en place ou de factions spécifiques ».
 
Quels enseignements retenir de cette posture ?
 
D’abord en refusant de designer des personnels chargés de la sécurité rapprochée de chaque candidat présidentiel, l’état a favorisé la prolifération de véritables milices politiques recrutées principalement dans le vivier des lutteurs qui sont totalement instrumentalisés,
Ensuite les forces de sécurité du Sénégal ont désormais toutes les chances d’être classées au rang peu honorable de « sécurité du régime » (regime security) pour rejoindre leurs homologues de la RDC, du Togo ou de la Guinée Conakry.
 
Une conséquence bien possible de leur posture actuelle pourra bien être leur disqualification, á titre individuel ou collectif, á être accepter désormais au sein de nouvelles missions de paix des opérations des Nations Unies : qu’elles ne soient pas surprises de retrouver les organisations des droits de l’homme et les institutions internationales de sécurité mener ce combat au niveau de l’instance mondiale.
 
Enfin les partis politiques sénégalais vont désormais comprendre que l’impartialité des forces de sécurité en période électorale n’est ni automatique, ni acquise : la posture des forces de sécurité au cours du processus électoral doit être un point de négociation du code électoral afin d’arriver á un accord inclusif et transparent de sécurisation comme recommandé par les documents de la CEDEAO et de l’Union Africaine.
 
Cependant , pour nombre d’observateurs africains de la gouvernance électorale la posture des forces de sécurité et leur acharnement démesuré contre les manifestants ne peut surprendre que les sénégalais …car la mise en place d’un ministère chargé des élections dépourvue de ses responsabilités de sécurisation du processus électoral en lieu et place d’une Commission Electorale Indépendante consensuelle habilitée á superviser la globalité du processus est bien une stratégie délibérée pour laisser au ministère de l’intérieur toute latitude de porter en temps opportun l’estocade contre les partis politiques et les représentants de la société civile sous le prétexte d’une soi-disant exécution de sa mission régalienne d’assurer la sécurité publique.
 
Le fait d’avoir le service informatique chargé du décompte des voix et logé au même ministère ne rassure évidemment pas dans la recherche d’une transparence qui risque bien d’être difficile á partager après le 26 février !
 
Ceux qui qualifient le processus électoral de système vicié dans toutes ses dimensions n’ont certainement pas tord mais ne manqueront pas de donner des thèmes de recherche et d’études aux experts des droits de l’homme, de la sécurité et de la gouvernance électorale en général : le cas sénégalais se révèle assurément particulier, voire atypique dans le concert des nations !
Mais l’histoire est en cours …et l’avenir est bien devant nous ! Que Dieu protège le Sénégal.
 
 
                                                                        Alioune Diop
                                                                        Fév. / Mars 2012
 
 
 
 
 
[[1]]url:#_ftnref1 Déclaration de Praia sur les élections et la stabilité en Afrique de l’Ouest, Praia, Cap Vert (18-20 mai 2011)