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Sénégal : De l’État de droit à la dictature larvée (Par Nioxor Tine)

Rédigé par leral.net le Lundi 19 Novembre 2018 à 16:47 | | 0 commentaire(s)|

La vie politique nationale est dominée, en cette période pré-électorale,
par l’activisme débordant des responsables de Benno Bokk Yakaar
cherchant à dépasser un taux de parrainage citoyen de plus de 50%. Ils
pensent pouvoir faire de ce parrainage un test grandeur nature pour les
élections à venir, une sorte de premier tour qui ne dit pas son nom.
 
Ils oublient cependant que les opérations de parrainage donnent lieu à
une corruption quasi-universelle, au chantage et à un trafic d’influence,
 qui entachent leur validité comme instrument de mesure de la popularité
de tel ou tel homme politique, contrairement au scrutin, qui confère plus
de responsabilité à l’électeur et est moins susceptible d’être manipulé.
 
Le parrainage, dont la fonction essentielle est d’éliminer de la
compétition électorale, le plus grand nombre d’adversaires possible, a
aussi comme autres conséquences d’épuiser financièrement les
candidats à cause de l’importance des moyens financiers et logistiques
requis, de les détourner des tâches pré-électorales (élaboration et
vulgarisation des programmes, recherche de financements…), de gêner
les initiatives unitaires de l’Opposition...
 
Pendant ce temps,  le président-candidat a tout le loisir de dérouler des
tournées plus politiciennes qu’économiques à l’intérieur du pays
ponctuées de quelques inaugurations et de nombreux effets d’annonce
projetant l’imaginaire des électeurs vers un futur incertain, au-delà du 24
février.
 
Ces promesses mirobolantes sont d’autant moins crédibles, que les
tensions de trésorerie actuelles laissent augurer d’une banqueroute
probable dans la période post-électorale avec les incontournables plans
d’ajustement des officines financières impérialistes.  Les différentes fêtes
religieuses (Magal, Gamou…) donnent aussi lieu à des campagnes de
séduction en direction des différentes confréries, qui rechignent,
cependant, à formuler des ndigëls explicites en faveur du pouvoir,
préférant réciter des prières au profit de tous les candidats, qui les
sollicitent.
 
 Le pouvoir use aussi d’autres stratégies comme la transhumance de supposés porteurs de voix vers les prairies marrons- beiges, le martèlement médiatique, les financements clientélistes par la
DER.
 
Au vu de tous ces faits, on ne peut s’empêcher de ressentir une  pesante
atmosphère si caractéristique des pouvoirs en fin de règne. Comment se fait-il qu’un régime, qui n’en est qu’à son premier mandat, qui se targue d’un bilan élogieux -plus imaginaire que réel, il est vrai – qui devrait donc bénéficier de la prime au sortant, comment se fait-il
donc qu’un tel régime soit en si mauvaise posture ?
 
Pour ceux qui en doutaient encore, la dernière interview du Président de
la République à France 24 a résonné comme un terrible tocsin
annonçant la mort de la Démocratie sénégalaise, pour laquelle des
générations de patriotes sénégalais ont fait tant de sacrifices.
 
Non content de prédire l’issue d’une compétition électorale dans un pays
où les sondages électoraux sont interdits, il anticipe sur le verdict final de
procédures judiciaires en cours contre le maire Khalifa et prophétise
même l’arrestation de citoyens revenant d’un exil forcé.
 
Il apparaît clairement que le pouvoir de Macky Sall est en train de dévoyer la reddition des comptes, pour évincer de potentiels adversaires
politiques. Nous n’en voulons pour preuve que la toute dernière décision du Comité des Nations Unies sur le procès de Karim Wade, venant à la suite de l’arrêt de la CEDEAO  sur l’affaire du maire Khalifa Sall, en juillet dernier, qui ne se prononcent pas sur la culpabilité des concernés, mais, remettent plutôt en cause la régularité des procès ayant abouti à leurs condamnations.
 
Ainsi l’État sénégalais, qui a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, refuse de respecter des accords auxquels il a pourtant librement souscrit.
 
Enfin le régime de Benno Bokk Yakaar porte la lourde responsabilité
d’avoir torpillé le consensus de la classe politique sur le code électoral
depuis le début des années 90, Il n’est dès lors pas étonnant  de constater, de la part d’un tel pouvoir, une hostilité marquée contre les organisations de défense des droits de l’Homme et celles de la société civile, illustrée par les diatribes à l’endroit du représentant d’Amnesty International et le retrait d’agrément de l’ONG Lead Africa.
 
Il faut se rendre à l’évidence et reconnaître que le 24 février, au lieu
d’être un jour de choix citoyen libre et éclairé, risque d’être le dernier
acte du complot que les hommes du pouvoir actuel, sont en train de
dérouler sous nos yeux.
 
De fait, les prochaines joutes électorales, si capitales pour l’avenir de la
Nation, vont se tenir dans un contexte de mutation de notre État de droit
en régime dictatorial, à l’image de certains pays pétroliers d’Afrique
centrale.
 
Que penser alors d’un sondage grotesque publié par un quotidien
étrange, ayant une ligne éditoriale insaisissable, qui attribue une victoire
au premier tour au candidat Macky Sall, lors de la prochaine élection
présidentielle de février prochain ?
 
Même si cette éventualité reste mathématiquement du domaine du
possible, il devient de plus en plus clair, que le candidat de la Coalition
Benno Bokk Yakaar,  pourra peut-être remporter la victoire électorale
mais il a déjà perdu la bataille morale, celle du Droit, de la légitimité et de la crédibilité.
 
Mais, ces sondages préfabriqués entrent dans le cadre de subtiles
campagnes d’opinion, qui visent à convaincre l’électorat que la bataille
serait déjà finie avant même d’avoir commencé, ou tout au moins à
crédibiliser une victoire au premier tour frauduleusement auto-
proclamée, que de prétendus opposants et une certaine Presse se
dépêcheraient de reconnaître, pour continuer à recevoir leur part du
gâteau.
 
Il apparaît de plus en plus évident que l’issue des joutes présidentielles
dépendra autant des suffrages populaires, que de la détermination des
citoyens sénégalais, au-delà des chapelles politiques, à sécuriser le vote
en neutralisant toutes velléités de fraude.
 
Il ne reste plus à l’Opposition qu’à s’entendre sur une plateforme
programmatique basée sur la restauration de la souveraineté nationale,
la refondation institutionnelle et l’émergence citoyenne.
 
NIOXOR TINE