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Serigne Abdourahmane : Prononcer son nom suffit à identifier ce savant de renom (Par Modou Mamoune Ndiaye)

Rédigé par leral.net le Dimanche 2 Octobre 2022 à 23:03 | | 0 commentaire(s)|

Serigne Abdou était bon. Nul besoin de dire Serigne Abdourahmane Mbacké fils de Serigne Abdou Khoudoss Mbacké, fils de Mame Thierno Ibra Fati.
Serigne Abdou pour les intimes et pour le cercle de ses élèves et auditeurs qui se comptent par milliers, a acheté sa part dans l'échelle de l'estime et de l'amour, en s'étant attelé à l'enseignement toute sa vie durant. Il n'avait pas d'autres préoccupations. Serigne Abdou était bon. Serigne Abdou était un enseignant doublé d'un pédagogue .


Il enseignait, il enseignait. Il traduisait, il traduisait. Il se servait déjà des k7 et du magnétophone. Ensuite des CD. Et les clés USB firent plus tard leur apparition. Serigne Abdou encourageait les sites internet qui peuvent diffuser ses enseignements. C'est ainsi qu'il avait mis à la disposition des musulmans, toutes les cassettes qu'il avait produites ainsi que des qacaids traduits en Wolof, avec son magnétophone et son micro qu'il aimait bien tenir. A la fin des cours avec les disciples, il enchaînait avec les enregistrements chaque jour que Dieu fait. Ses premières audios sont réunies jusqu'à maintenant, dans notre site historique www. Khassida.com.

Ayant appris mon intérêt pour les sciences et leur diffusion, il m'a fait parvenir par le biais de Serigne Modou Lô, une pile de documents contenant des qacaids traduits en style Majalis en Wolof. Je lui avais promis de les reprendre en caractères latin et en français. Il a traduit la plupart des qacaides de Serigne Touba en Wolof . Tous les livres de science islamique ont été traduits sur des supports audio par Serigne Abdourahmane. Même le fameux Khalil Awwal et Thâni (premier et second) a été traduit par le maître. Irwa, Masâlik, les livres de grammaire et de conjugaison arabe, de jurisprudence comme Risaala de Ibn abi zeid Al qayrawani. Les réponses de Serigne Touba compilées. Tout a été traduit en Wolof par le maître.

Serigne Abdou est le père de l'enseignement à distance ou k7 learning appelé maintenant e- learning, grâce à sa sagacité et sa passion pour la transmission de la connaissance. Il savait que tous les Mourides ne pouvaient venir à Darou pour s'abreuver dans la douce source de Thierno. Alors, il trouva ce moyen simple et efficace de répandre la connaissance. Il savait surtout qu'il n'y a pas d'âge pour apprendre sa religion. Seule l'ignorance a une durée indéterminée. Alors, il entreprend de traduire tous les instruments livresques nécessaires pour être un bon musulman, voire un bon disciple de Cheikh Ahmadou Bamba. Mais il n'était pas qu'un traducteur.

Serigne Abdou était aussi un homme de lettres. Un de ses qacaids traitant de l'ordre de descente des sourates, a été rajouté par inadvertance dans un des volumes de qacaids de Cheikhoul Khadim. Son style était identique au style du cheikh. Serigne Abdoul Ahad ordonna qu'on laissât le qacaid de Serigne Abdou dans le diwaan. Mais Serigne n'était pas qu'un poète.
Le maître Abdourahmane était aussi le prototype du savant représentant les anciens dans ses références et son attitude. Fleuve confluent des sources de Merina Syll par sa grand-mère, de Coki par sa mère et de Mbacké par son père, pur produit de l'école de Touba, avec comme professeur Serigne Habibou Mbacké, il a assimilé toutes les sciences détenues par les premiers lettrés de notre pays. Défenseur de la charia mutahara pure et purifiante, il était aussi le promoteur de la haqihatul munawara, la Vérité lumineuse.

Etre exceptionnel, son paraître et son être étaient identiques. Savant hors catégorie, aalimul alaama, fardu jaami', professeur chevronné, Cheikhul Murabbi, Cheikhu Tarqiya, il a plongé tout son être durant toute son existence terrestre, dans le champ des sciences islamiques, sans aucune parcelle de retenue pour sa personne. Il suffisait de le voir pour avoir l'image d'un soufi, d'un ascète, d'un savant qui applique ses connaissances . Sa frêle silhouette renvoyait automatiquement à Serigne Touba. Je ne sais pourquoi.

Serigne Abdou avait une voix douce comme le vent fécondant . Serigne Abdou était kalimatan Thayyibatan, la bonne parole personnifiée. Et le Seigneur Allah, compare la bonne parole à un bel arbre dont les racines se fixent solidement dans le sol et dont la ramure s'élance vers le ciel, en produisant, par la grâce de Son Seigneur, des fruits à chaque instant. Tel était Serigne Abdou, il nourrissait de sciences et de piété, tout musulman qui l'approchait. Serigne Abdou parlait posément. Il fallait lui prêter une oreille attentive pour s'abreuver de son savoir. Au lieu de rire, il servait du sourire sincère et bienfaisant. Il ne portait jamais deux boubous. Il marchait la tête fixée au sol. Sa main droite serrant le chapelet ou tenant le livre. Quand quelqu'un voulait le saluer, il s'empressait de venir à sa rencontre.

Il faisait ses cinq prières à la mosquée, l'endroit idéal pour le rencontrer. Il recevait en public, écoutait les doléances et répondait de son mieux. Il aidait le modeste et réconfortait le malheureux. Les médecins n'hésitaient pas à envoyer des patients désargentés chez Serigne Abdou, pour qu'il paye leurs médicaments.

Jurisconsulte, Faqih, Gnostique, Aarif, détenteur de plusieurs awraad et champion des azkaar, il était aussi un fervent Mouride bouillonnant de détermination. Il ne négligeait aucun ndigël venant de ses grands frères ou du khalife de Boroom Touba. Il participait aux travaux champêtres avec son hilaire et sa serviette. De retour des champs, il n'hésitait pas à ramener les personnes qu'il croisait en route et qui empruntait le même chemin que lui...

La disparition de Serigne Abdou est vraiment une perte immense pour la communauté musulmane. La communauté Mouride est particulièrement endeuillée avec la disparition du parangon du Tassawuuf, le représentant des anciens. Le cheikh qui enseignait et qui vivait les enseignements de l'islam, à travers tout son être.

Dieu est témoin que je dois beaucoup à Serigne Abdou. Ce témoignage est la plus petite parcelle de reconnaissance que je puisse produire pour la mémoire d'une des plus grandes références de ma bibliothèque, une des sources les plus douces et les plus fécondes ayant façonné mes humanités . Serigne Abdou était bon. Il est le symbole du professeur généreux, celui qui voudrait enseigner la terre entière. Il avait comme son prénom Abdou Ar Rahmane, une miséricorde qui voudrait embrasser toute la communauté des vivants. Et ce témoignage peut être fait par les milliers de personnes qui ont eu la chance d'avoir reçu les enseignements de Serigne Abdou, comme dans les plus grands majalis.

Qu'Allah lui réserve l'accueil le plus honorable en compagnie de tous les savants et de tous les awliyaa, asfiyaa, azkiyaa, Abraar ci Barke Serigne Touba et Mame Thierno, dont il est le digne héritier dans l'univers de l'enseignement et de l'éducation.

Maintenant, je voudrais retenir ma plume car je ne pensais jamais faire un jour une oraison pour le maître de Darou, qui restera éternellement dans nos cœurs. Mais ma conscience ne cesse de me dire, dis au monde, dis au papier, que Serigne Abdou était bon, qu'il était infiniment bon.

Évoquer son nom, c'est aussi évoquer la douceur et la beauté. Il incarnait le Serigne raffiné, simple et mystérieux, accessible et irrésistible. Il avait la beauté tranquille de l'harmonie et la grâce du naturel. Ses connaissances qu'il exposait, le son de sa voix vecteur, la structure physique de son physique de Mutassawiff, étaient en Harmonie. Chaque aspect illustrait l'autre. Dans son regard s'expriment la compassion et la bienveillance, dans son comportement, l'élégance, l'assurance de son accord profond entre ses principes, ses actions et son âme. Serigne Abdourahmane était infiniment bon.

Adieu Maître !

Modou Mamoune Ndiaye

PS: c'est l'homme qui meurt mais un savant ne meurt jamais.