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Six candidats en campagne pour la prochaine élection au poste de directeur général de la FAO

Rédigé par leral.net le Mardi 8 Février 2011 à 02:17 | | 0 commentaire(s)|

Ce ne sera pas une élection comme les autres. La dernière conférence de la FAO a changé la règle du jeu. Son patron sera élu à la majorité et au scrutin secret, chaque pays membre disposant d’une voix, et ne pourra briguer que deux mandats de quatre ans chacun. Le Sénégalais Jacques Diouf, actuel directeur général, est, lui, en place depuis… 1994.


Six candidats en campagne pour la prochaine élection au poste de directeur général de la FAO
Il y a quelques années, le très sérieux quotidien économique Les Echos n’hésitait pas à brocarder cette longévité écrivant à son sujet que, spécialiste en cultures tropicales, il ne pouvait méconnaître le proverbe bambara selon lequel « tout a une fin, sauf la banane qui en a deux ». Il est vrai que depuis 1994, malgré les « sommets mondiaux de l’alimentation », les « objectifs du millénaire » et autres rencontres internationales sur la sécurité alimentaire, les émeutes de la faim et les famines ont alimenté… les médias dans lesquels Diouf a tendance à se complaire. L’optimisme qui prévalait en 2010, année où a été enregistré le premier recul en quinze ans de la faim dans le monde, a cédé la place à la vigilance du fait de la volatilité des prix des matières premières. Récemment, dans Les Echos (mardi 11 janvier 2011), Olivier de Schutter, rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation de l’ONU, affirmait : « Nous vivons aujourd’hui le début d’une crise alimentaire similaire à celle de 2008 ». C’est dans ce contexte qu’un nouveau directeur général de la FAO doit être élu à l’occasion de sa 37ème conférence (Rome - 25 juin-2 juillet 2011).

Le dépôt des candidatures est clos depuis le 31 janvier 2011. Il y aura six candidats : deux Européens (Autriche, Espagne), un Américain (Brésil), un Asiatique (Indonésie) et deux Moyen-Orientaux (Iran, Irak). Depuis sa création en 1945, la FAO a connu sept directeurs : deux Européens (Grande-Bretagne, Pays-Bas), deux Américains (Etats-Unis), un asiatique (Inde), un Proche-oriental (Liban), un Africain (Sénégal). Mais au cours des 36 dernières années - soit plus de la moitié de son histoire - deux hommes seulement l’ont dirigée pendant trois mandats de six ans : le libanais Edouard Saouma (1976-1993) et Diouf (1994-2011). En un temps où les évolutions sont rapides et les changements économiques et climatiques d’ampleur, cette omniprésence confine à l’omnipotence et la FAO a beaucoup perdu de sa visibilité.

On se souvient que le dimanche 4 mai 2008, Abdoulaye Wade, dans une déclaration radiotélévisée sur la hausse des prix alimentaires, avait dénoncé en la FAO « une institution aux activités dupliquées par d’autres […], un gouffre d’argent largement dépensé en fonctionnement ». Sa « marginalisation » justifiait, disait-il, le transfert de son « actif utile » au FIDA (Fonds international de développement agricole, autre institution de l’ONU), « qui pourrait devenir un fonds mondial d’assistance à l’agriculture avec siège obligatoire en Afrique ». Au mitan de l’automne 2007, un comité d’experts indépendants désigné par les pays membres de la FAO avait rendu un « rapport impitoyable » de 400 pages sur le fonctionnement de l’agence : « Bureaucratie asphyxiante, projets inadaptés, absence de mobilité du personnel, manque de vision claire des objectifs, de ligne stratégique et de culture du résultat […] L’organisation n’est pas adaptée aux défis du XXIème siècle […] Elle est au bord du précipice. A moins d’un changement drastique, elle sera confrontée à un déclin rapide et total ».

On ne pouvait pas être plus clair (dans le même ordre d’idée, il y a quelques mois, en novembre 2010, la presse n’a pas manqué de fustiger « la vie romaine et dispendieuse » du président du FIDA, le Nigerian Kanayo F. Nwanze). Et personne ne contestera le point de vue de Wade. Sauf que le patron de la FAO étant sénégalais, on y verra une rivalité politique entre les deux hommes. Le 27 septembre 2009, au sommet de la FAO, Wade remettra les pendules à l’heure rappelant que Diouf a été son candidat et que « ce qui ne va pas », c’est la FAO qui perd non seulement ses effectifs mais aussi ses ressources et qui, dans le même temps, ne fait que redire ce qui a déjà été dit. Wade, quant à lui, voulait une seule institution en charge du soutien de l’agriculture (africaine puisque c’est là que, principalement, au plan mondial, le bât blesse), moins d’experts (« Nous n’en avons pas besoin. Ils ne nous apprennent rien ») et plus de moyens en engrais, en phytosanitaires et en semences sélectionnées.

Alors que des problèmes majeurs se profilent à l’horizon, ce discours reste d’actualité : la FAO sert-elle à quelque chose ? Hormis à satisfaire l’ego d’un individu : le patron, et d’améliorer le niveau de milliers d’autres : ses fonctionnaires. Il y a cependant des gens qui pensent que l’on peut faire quelque chose du « machin » onusien pour reprendre une expression « gaullienne » : les personnalités qui ont présenté leur candidature. La plus prestigieuse est celle de Miguel Angel Moratinos qui, était jusqu’à l’automne 2010, le ministre socialiste des Affaires étrangères et de la Coopération de l’Espagne après avoir été nommé à ce portefeuille en 2004. Ce diplomate de carrière marié à une Française, bon connaisseur de l’Afrique et du Moyen-Orient, ancien ambassadeur auprès d’Israël, a été envoyé spécial du Conseil des ministres européens dans le processus de paix au Moyen-Orient (cf. LDD Espagne 007/Mercredi 20 octobre 2010). Il refuse d’être « considéré comme un candidat du Nord » ; « Ma candidature est inclusive » a-t-il déclaré au quotidien Le Monde (9-10 janvier 2011) : « Le XXIème siècle ne doit pas être le siècle des divisions Nord-Sud ou Est-Ouest, ou « émergents » et autres. Il faut dépasser ces clivages d’une époque révolue ». Son programme : « éradiquer la faim […], mener la réforme interne de la FAO, et rehausser le rôle de l’organisation ». A noter que l’Espagne est devenue le premier contributeur de la FAO en versements non obligatoires ! Quant à Franz Fischler, le candidat de l’Autriche, c’est aussi un « européen » (au plan politique s’entend) ; mais tendance conservatrice. Fischler, agronome de formation, a été ministre fédéral de l’Agriculture et de la Sylviculture (1989-1994) puis commissaire européen à l’Agriculture, au Développement rural (+ la Pêche ultérieurement) de 1995 à 2004. « Je vois de grands problèmes d’un côté, mais de l’autre je sais comment on fait de la politique dans le domaine de l’agriculture ».

Du côté du Sud, la candidature la plus significative est celle du brésilien José Graziano da Silva. Agronome, économiste, coordinateur du programme « Faim zéro » au Brésil, il a été ministre de la Sécurité alimentaire et de Lutte contre la faim sous la présidence de Luiz Inacio Lula da Silva avant d’être nommé représentant régional pour l’Amérique latine et les Caraïbes et sous-directeur général de la FAO. Il est l’auteur d’environ vingt-cinq ouvrages sur la sécurité alimentaire et le développement rural. « Ma candidature représente la vision commune des pays du monde entier qu’il est possible d’éradiquer la faim et la pauvreté extrême grâce à un développement inclusif et à l’utilisation durable des ressources naturelles ». Le candidat asiatique est l’Indonésien Indroyono Soesilo, géologue de formation qui s’est beaucoup intéressé à la recherche halieutique ; il est actuellement sous-ministre des Affaires sociales.

Les autres candidats sont l’Irakien Latif Rashid, ingénieur en génie civil originaire du Kurdistan, opposant à Saddam Hussein réfugié en Grande-Bretagne, ministre des Ressources en eau dans le gouvernement intérimaire puis dans le gouvernement de Nouri al-Maliki, et l’Iranien Seyed Mohammad Saeid Noori Naeini, professeur d’économie agricole, vice-doyen de la faculté des sciences économiques et politiques, vice-chancelier d’université, représentant de l’Iran auprès du FIDA, de la FAO et du PAM ; il avait été candidat en 2001 au poste de président du FIDA.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche DIplomatique