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Conflit minier au Mali : L’État malien entame une bataille judiciaire contre Barrick Mining

Rédigé par leral.net le Mardi 20 Mai 2025 à 12:02 | | 0 commentaire(s)|

Mali Atlanticactu/ Exploitation minière/ Serigne Ndong Le 16 mai 2025, l’État malien a saisi le tribunal de commerce de Bamako pour demander la mise sous administration provisoire du complexe minier de Loulo-Gounkoto, opéré par le groupe canadien Barrick Mining. Une procédure inédite qui survient dans un climat tendu, marqué par l’adoption d’un nouveau code minier, […]

Mali

Atlanticactu/ Exploitation minière/ Serigne Ndong

Le 16 mai 2025, l’État malien a saisi le tribunal de commerce de Bamako pour demander la mise sous administration provisoire du complexe minier de Loulo-Gounkoto, opéré par le groupe canadien Barrick Mining. Une procédure inédite qui survient dans un climat tendu, marqué par l’adoption d’un nouveau code minier, des accusations de non-conformité fiscale, et la saisie controversée de plusieurs tonnes d’or. Au-delà du différend, c’est toute la stratégie minière du Mali et sa souveraineté économique qui sont en jeu.

Lors d’une audience à huis clos, le gouvernement malien et Barrick Mining se sont donc affrontés devant la justice commerciale. En question : le contrôle de l’une des plus grandes mines d’or d’Afrique de l’Ouest. La demande de mise sous administration provisoire de Loulo-Gounkoto illustre l’escalade des tensions entre l’État et l’une des principales multinationales actives dans le pays.

Implantée dans la région de Kayes, cette mine représentait à elle seule près de 15 % de la production industrielle d’or du Mali, avec 723 000 onces extraites en 2024. L’activité est toutefois paralysée depuis novembre 2024, à la suite de la saisie de 3 tonnes d’or estimées à 317 millions de dollars par les autorités maliennes. Ce blocage a contribué à une chute de 23 % de la production nationale cette année-là, selon le ministère des Mines.

Au cœur de la discorde se trouve le nouveau code minier, entré en vigueur en août 2023. Celui-ci prévoit une participation de l’État pouvant aller jusqu’à 30 % dans les projets miniers, ainsi qu’un alourdissement de la fiscalité sur les bénéfices et les exportations. Barrick rejette l’application rétroactive de ces mesures, invoquant la stabilité juridique garantie par ses conventions d’investissement.

Pour Bamako, ces réformes relèvent d’un impératif de justice économique. Un audit publié début 2025 a révélé que les créances fiscales dues par les opérateurs miniers s’élèveraient à 315 milliards de FCFA (près de 480 millions d’euros), une part importante étant imputée aux filiales de Barrick. Pour l’État, cette situation reflète un déséquilibre inacceptable dans le partage des richesses nationales.

C’est dans ce contexte que le gouvernement a demandé la nomination d’un administrateur provisoire à la tête du complexe Loulo-Gounkoto, avec pour objectif de relancer rapidement les opérations dans un cadre plus aligné avec les intérêts du pays. L’audience, initialement fixée au 15 mai, a été reportée au 22 mai.

De son côté, Barrick dénonce ce qu’elle considère comme une « escalade politique ». Son PDG, Mark Bristow, a réaffirmé dans un communiqué daté du 10 mai l’attachement historique du groupe au Mali, où il est implanté depuis près de trente ans. L’entreprise réfute toute fraude fiscale et qualifie la saisie de l’or d’arbitraire et contraire au droit international.

Cette affaire dépasse cependant les frontières du Mali. Depuis 2022, plusieurs pays africains comme la Tanzanie, la RDC ou le Zimbabwe ont renforcé leur cadre légal pour capter une plus grande part des revenus issus de leurs ressources naturelles. Mais la transition entre anciens accords et nouvelles législations soulève de nombreux défis juridiques, et pourrait engendrer des contentieux de longue durée.

Si la justice donne raison au gouvernement malien, Barrick pourrait perdre le contrôle opérationnel de Loulo-Gounkoto, une mine qui a produit plus de 6 millions d’onces d’or depuis 2005. Une nationalisation partielle, voire complète, n’est pas à exclure — un scénario lourd de conséquences pour l’attractivité du Mali auprès des investisseurs étrangers.

Pour Bamako, il s’agit avant tout de corriger une relation jugée historiquement inégale. Encore faut-il que cette reprise de contrôle ne fasse pas naître une insécurité juridique durable, qui mettrait en péril les efforts de réforme. Entre justice fiscale, souveraineté économique et confiance des investisseurs, le Mali avance sur une ligne de crête.

L’audience du 22 mai pourrait bien marquer un tournant décisif pour le secteur minier malien et poser, au-delà du cas malien, une question fondamentale pour l’ensemble du continent africain : à qui appartient réellement la richesse de l’or ?



Source : https://atlanticactu.com/conflit-minier-au-mali-le...