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LA RENÉGOCIATION ATTEND

Rédigé par leral.net le Mercredi 9 Juillet 2025 à 01:29 | | 0 commentaire(s)|

Créée en grande pompe par Ousmane Sonko, la commission de renégociation des contrats pétroliers cultive le silence. Entre rapports techniques et résistance des compagnies, les promesses de rééquilibrage tardent à se matérialiser

(SenePlus) - Près d'un an après la création d'une commission spécialisée, les contrats pétroliers et gaziers hérités de l'ère Macky Sall n'ont toujours pas été renégociés. Entre rapports techniques et résistance des compagnies, le processus s'enlise malgré les promesses d'Ousmane Sonko.

Créée en août 2024 dans un contexte de forte attente populaire, la commission d'audit et de renégociation des accords pétroliers et gaziers du Sénégal n'a toujours pas engagé de négociations formelles avec les compagnies étrangères. Un silence qui interroge, alors que l'enjeu financier se chiffre en centaines de millions de dollars.

Dirigée par El Hadj Ibrahima Diop, ancien inspecteur principal des impôts et des domaines, cette task force rassemble des profils variés : hauts cadres de l'administration, juristes, experts pétroliers et spécialistes en fiscalité. Pourtant, le nombre exact de ses membres et leurs identités demeurent confidentiels, une discrétion justifiée par la volonté de "travailler sereinement", selon Jeune Afrique.

Khadim Bamba Diagne, patron du Comité d'orientation stratégique du pétrole et du gaz (COS Petrogaz) et membre confirmé de la commission, défend auprès du magazine panafricain "une approche structurée" et assure que "le comité regroupe des profils expérimentés et très diversifiés, et collabore également avec des cabinets d'experts pour mieux examiner les accords dans un processus fait de plusieurs étapes".

En coulisses, les travaux avancent. Des rapports techniques, des audits et des analyses de coûts ont été réalisés pour alimenter les futures discussions avec BP, Kosmos et Woodside, les trois géants qui exploitent les gisements sénégalais de Grand Tortue Ahmeyim et Sangomar.

300 millions de dollars en jeu

Les premiers résultats de ces analyses, révélés par Khadim Bamba Diagne à Jeune Afrique, dessinent un tableau préoccupant pour les finances publiques sénégalaises. Sans renégociation, "le Sénégal perdrait entre 200 et 300 millions de dollars" sur les vingt-cinq années d'exploitation prévues.

Cette estimation s'appuie sur une critique récurrente des accords actuels : "Les grandes compagnies mettent souvent en place des stratégies pour rendre les coûts artificiellement élevés, rendant les projets peu rentables pour l'État. Il est nécessaire de revoir tout cela", explique ce proche conseiller économique d'Ousmane Sonko.

Ces contrats, négociés sous l'ancienne administration, sont jugés défavorables par les nouvelles autorités car "ils ne garantissent pas une juste rémunération au pays", selon Jeune Afrique. Une situation que le Premier ministre avait promis de corriger lors de l'annonce de la commission : "Nous avions pris l'engagement ferme de revenir sur ces différents accords, de les réexaminer et de travailler à les rééquilibrer, dans le sens de l'intérêt national."

Si la volonté politique semble affichée, la mise en œuvre se heurte à plusieurs écueils. Les contrats pétroliers sont "juridiquement très verrouillés" et la marge de manœuvre du pouvoir paraît "étroite, en raison des risques de contentieux avec ses partenaires", note JA.

L'exemple de Woodside illustre ces difficultés. Le pétrolier australien, maître d'œuvre du gisement Sangomar, a déposé un recours auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi) en juin dernier, suite à un désaccord avec l'autorité fiscale sénégalaise.

Au sein même de l'administration, des voix critiques s'élèvent. Des sources proches du dossier, citées par Jeune Afrique, dénoncent "une gestion plus militante que stratégique" et déplorent "l'absence d'un calendrier clair sur l'état d'avancement des travaux".

Entre expertise et politique

Plus sévère, une source "au cœur du dispositif" confie au magazine : "Certains membres de la commission sont peu ou pas compétents, notamment en matière de droit pétrolier international. Ils doivent leur place à leur proximité avec Ousmane Sonko, qu'ils ont défendu dans des affaires politiques."

Ces tensions révèlent la complexité d'un dossier où l'expertise technique se mêle aux considérations politiques. Pour l'heure, seules des "discussions préliminaires" ont eu lieu avec les compagnies, selon Jeune Afrique, loin des négociations formelles espérées.

Malgré ces obstacles, Khadim Bamba Diagne maintient que "ces renégociations sont indispensables pour que les ressources naturelles profitent réellement au pays". Une position qui reflète l'enjeu stratégique de ces hydrocarbures pour le développement économique du Sénégal.

La question centrale demeure : le pays parviendra-t-il à convaincre ses partenaires de revoir les termes des contrats sans déclencher un "bras de fer" juridique et diplomatique ? L'attente se prolonge, tandis que les revenus pétroliers continuent de s'écouler selon les termes contestés d'hier.

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/economie/la-renegociation...