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UN CONTINENT À GÉOMÉTRIE VARIABLE

Rédigé par leral.net le Lundi 25 Août 2025 à 01:04 | | 0 commentaire(s)|

L'Afrique n'est pas un pays. Cette évidence mérite d'être rappelée tant le continent de 54 nations reste prisonnier des clichés. Voyage au cœur d'une mosaïque économique et politique en pleine mutation

L'une des premières problématiques soulevées concerne la représentation même du continent africain. Comme l'explique le reportage diffusé, l'Afrique souffre d'une distorsion cartographique historique. La projection Mercator, utilisée depuis 1538, fait apparaître l'Afrique de la même taille que le Groenland, alors qu'elle est en réalité 14 fois plus grande. Avec ses 30,37 millions de kilomètres carrés, le continent équivaut à la superficie des États-Unis, de la Chine et d'une partie de l'Europe réunis.

Cette mauvaise représentation n'est pas anodine. Comme le souligne le projet "Correct the Map", "quand on croit être face à quelque chose de beaucoup plus petit qu'il ne l'est réellement, vos stratégies politiques, vos investissements financiers dans cette chose sont impactés car vous les basez sur des informations incorrectes."

Benoît Chervalier insiste sur un point fondamental : l'Afrique ne peut être réduite à un bloc uniforme. "Il y a une diversité culturelle, linguistique", rappelle-t-il, critiquant la tendance à considérer les 54 pays du continent comme interchangeables. Niagalé Bagayoko abonde dans ce sens, évoquant cette "plaisanterie du côté des Africains qui disent 'Oui, bien sûr l'Afrique ce grand pays'" pour dénoncer ces simplifications.

L'exemple malheureux de Donald Trump, surpris par la maîtrise de l'anglais du président libérien, illustre parfaitement ces méconnaissances au plus haut niveau des relations internationales.

Dans son livre, Benoît Chervalier propose une classification originale des économies africaines en trois catégories. Les "locomotives" - Nigéria, Afrique du Sud et Égypte - constituent les trois premières économies du continent, mais paradoxalement, ce sont "deux économies plutôt malades" qui ne parviennent pas à jouer leur rôle d'impulsion attendu.

Plus prometteuses selon lui, les économies intermédiaires comme la Côte d'Ivoire, le Kenya ou le Maroc se montrent "beaucoup plus dynamiques". Enfin, les petites économies présentent des performances très variables, du dynamisme du Bénin ou du Rwanda à des situations plus fragiles ailleurs.

Cette fragmentation économique est frappante : sept pays africains représentent 70% du PIB continental, tandis que 36 pays n'en captent que 13%. Cette concentration explique la faiblesse des échanges intra-africains, qui ne représentent que 15% du commerce continental, contre 60% dans l'Union européenne.

Les relations avec les grandes puissances révèlent des stratégies complexes. Concernant les États-Unis, Benoît Chervalier observe une baisse des flux commerciaux depuis une décennie, y compris sous Barack Obama. La récente attention de Donald Trump envers certains dirigeants africains relève davantage, selon lui, d'un "signal envoyé à l'égard d'autres puissances et en particulier la Chine" que d'un véritable regain d'intérêt économique.

Niagalé Bagayoko souligne que cette prise de conscience tardive contraste avec la présence ancienne d'autres acteurs : "des pays comme la Chine, comme la Turquie, comme Israël ou comme les pays du Golfe sont présents depuis 25 ans voire depuis 40 ans sur ce continent."

La question du franc CFA illustre la complexité des enjeux de souveraineté. Benoît Chervalier adopte une approche nuancée, mettant en avant le principe fondamental de "confiance envers une monnaie". Pour lui, toute réforme précipitée sans fondements économiques solides pourrait s'avérer catastrophique.

Niagalé Bagayoko rappelle cependant la dimension symbolique cruciale : "le franc CFA est perçu par beaucoup de populations en Afrique de l'Ouest comme un symbole de néocolonialisme auquel il convient de mettre fin", rejoignant les critiques sur la présence militaire française.

"Il n'y a pas une démographie mais il y a des démographies", résume Benoît Chervalier. Certains pays ont entamé leur transition démographique (Tunisie, Maroc, Maurice avec moins de 1,5 enfant par femme), d'autres restent faiblement peuplés (Botswana), tandis que le Nigéria connaît une croissance exceptionnelle avec "autant d'enfants qu'aux États-Unis et en Europe réunis".

Le continent peine à parler d'une seule voix sur la scène internationale. L'extension du Conseil de sécurité de l'ONU à un représentant africain reste bloquée faute d'accord entre pays africains. Niagalé Bagayoko observe que "les instances multilatérales aujourd'hui partout dans le monde sont dans un état de dislocation", citant l'exemple de la CEDEAO qui a perdu récemment trois de ses membres.

Face à cette complexité, les deux experts plaident pour une approche pays par pays, loin des généralisations. Comme le conclut Benoît Chervalier, "il s'agit d'avoir une approche par pays de manière intégrée", reconnaissant que la situation africaine contemporaine dépasse les clivages traditionnels entre systèmes occidentaux et alternatives des BRICS.

L'Afrique du 21e siècle se dessine ainsi entre potentiel démographique et économique considérable d'un côté, et défis structurels majeurs de l'autre, appelant à dépasser les visions uniformisantes pour saisir la richesse de sa diversité.

Video URL: 
https://www.youtube.com/watch?v=kMBr_VyO_Vc
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Farid


Source : https://www.seneplus.com/developpement/un-continen...