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ELECTION A LA PRESIDENCE DE LA BAD : Coup de froid pour un Hott isolé


Rédigé par leral.net le Vendredi 30 Mai 2025 à 01:32 | | 0 commentaire(s)|

Malgré un profil très solide, le candidat sénégalais Amadou Hott avait toutes les toutes les chances, pour...ne pas être porté à la tête de la prestigieuse Banque Africaine de Développement (BAD), à l’issue d’un scrutin palpitant qui a connu son épilogue, ce 29 mai 2025, à Abidjan, la capitale ivoirienne.
ELECTION A LA PRESIDENCE DE LA BAD : Coup de froid  pour un Hott  isolé
Les facteurs explicatifs de la « chute » de Amadou Hott à la course pour la présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD) ne manquent pas. Ils ont été à la fois stratégiques, politiques et contextuels.

Malgré un profil très solide, le candidat sénégalais n’a pas su mobiliser un bloc régional suffisamment fort. Bien que le Sénégal ait soutenu sa candidature, Hott n'a pas réussi à obtenir un soutien significatif d'autres pays membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).  

En outre , le président congolais Denis Sassou Nguesso, qui traditionnellement est un allié du Sénégal, a réservé un accueil privilégié au Mauritanien Sidi Ould Tah, marquant un revirement notable. De même, le président ivoirien Alassane Ouattara, qui détient environ 3,8 % des droits de vote à la BAD, a apporté son soutien à Sidi Ould Tah, le candidat mauritanien. Cette décision a privé Amadou Hott d'un appui stratégique crucial, notamment en raison de l'importance de la Côte d'Ivoire en tant que pays hôte de la BAD, et de son influence au sein de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Pour ne rien arranger et malgré des efforts diplomatiques, Hott n'a pas réussi à rallier un nombre suffisant de pays non africains, tels que les États-Unis, le Japon, l'Allemagne et la France, qui détiennent collectivement environ 20 % des droits de vote à la BAD. Cette absence de soutien international a limité sa capacité à atteindre les majorités requises lors des différents tours de scrutin.

Il a ainsi traîné un positionnement géopolitique défavorable du Sénégal, qui bien qu’influent en Afrique de l’Ouest, n’a pas le poids diplomatique de pays comme le Nigeria, l’Afrique du Sud ou même l’Égypte.

Si on ajoute à cela, la dispersion des votes africains, entre   les candidats en lice ( Tshabalala, Maimbo, Tolli, Ould Tah ), il était claire que cela aurait pour conséquence l’affaiblissement  de la dynamique autour de chaque candidature.

Pis, Hott pour sa part a souffert, dès le départ, du défaut d’une alliance stratégique forte avec un autre candidat, contrairement à Ould Tah, qui semble avoir réussi à agréger des soutiens dès le 2e tour.  Et avec ce dernier, Hott arrivé déjà 3ème au 1er tour a dû faire face à une concurrence de taille et une stratégie de campagne.

A titre comparatif, Sidi Ould Tah, avec son profil de directeur d'une institution panafricaine (BADEA), a mené une campagne discrète mais efficace. Il avait déjà des réseaux ancrés dans plusieurs pays africains. En revanche, Hott, ancien ministre de l’Économie et ancien vice-président de la BAD, avait un bon CV, mais peut-être trop institutionnel, moins politique ou consensuel que celui de Tah. De ce point de vue , on peut  émettre l’hypothèse qu’il n’a pas su convaincre les pays non régionaux (comme les USA, Japon, France, etc.), et qui pèsent aussi lourd dans le vote.
 
Un Hott mal « vendu »

Les lourds handicaps de Hott se sont illustrés entre le 1er et le 2ème tour où il est passé 17,62 % des votes à 9,02 %, accusant un recul très net, qui montre ainsi un désistement de ses soutiens ou un basculement stratégique vers un autre favori.  

Le troisième tour du scrutin a confirmé sa marginalisation dans les tractations diplomatiques de dernière minute. Il faut bien le reconnaître, le candidat sénégalais n’a pas bénéficié d’un soutien affirmé du nouveau pouvoir au Sénégal, comme il est de coutume ou en tout cas, pas de façon perçue comme décisive à ce niveau.  Il est vrai, toutefois que la transition politique au Sénégal a suscité une perte de relais, un « passage de témoin raté »  et pour cause, le changement de régime en mars 2024 avec l’élection de Bassirou Diomaye Faye et l’arrivée d’Ousmane Sonko à la primature a  créé une rupture d’alignement entre Hott (ancien ministre de Macky Sall) et les nouvelles autorités.

Tel ne fut pas le cas en 2015, lorsque le Sénégal avait été actif dans la promotion de la candidature d’Akinwumi Adesina (Nigéria) à la tête de la BAD, et qui s’était personnellement rendu au Sénégal. Pour cette fois, on n’a pas senti le pays à travers une campagne diplomatique agressive en faveur de Amadou Hott. Et quand bien-même le gouvernement sénégalais a officiellement validé la candidature d’Amadou Hott, cela n’a pas été suffisant, faute d’un accompagnement et d’une mobilisation   du réseau diplomatique sénégalais en Afrique et auprès des partenaires bilatéraux que le gouvernement sénégalais n’a pas su faire converger vers le candidat Hott, et qui sans doute est la résultante d’une approche géopolitique qui est pour certains  moins accommodante.  

Même en interne on soupçonne une ambiguïté sur la position réelle de l’État sénégalais à l’égard de son candidat, d’autant que certains au sein du nouveau pouvoir le percevait comme un homme de l’ancien régime. Toujours est-il qu’entre 2023–2024, la diplomatie sénégalaise s’est quasiment repliée sur des enjeux internes (refondation institutionnelle, rééquilibrage économique) au détriment de son influence continentale. Dans les capitales africaines comme dans les chancelleries occidentales, le Sénégal n’a pas en vérité « vendu » Hott comme son champion continental. Ce n’était pas un enjeu.

Cette perte de vitesse s’est traduite par un affaiblissement du soft power sénégalais dans les cercles multilatéraux et africains (un contraste avec des pays comme la Mauritanie, qui ont déployé une diplomatie active et ciblée autour de leur candidat). Résultat des courses, l’ambiguïté du soutien sénégalais a créé une sorte d’isolement de Hott et, en l’absence de portage étatique fort, sa candidature a été perçue comme « individuelle », voire une échappée solitaire.

Certains pays africains ont fait un report de voix vers le candidat Ould Tah, dont la campagne était soutenue à la fois par Nouakchott, la Ligue arabe et des coalitions régionales, d’où sa montée en puissance rapide, qui a siphonné l'espace que Hott aurait pu occuper. Son score en atteste.

Il faut le constater pour le déplorer, cet affaiblissement de la diplomatie sénégalaise sur la scène africaine intervient au moment même où la BAD est redevenue un enjeu stratégique majeur pour le continent.
Malick NDAW , Envoyé spécial à Abidjan
 



Source : https://www.lejecos.com/ELECTION-A-LA-PRESIDENCE-D...

La rédaction