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Ibrahima Séne «C'est une erreur d'appréciation de la part du Pr Bathily»

Rédigé par leral.net le Vendredi 27 Avril 2012 à 16:08 | | 0 commentaire(s)|

La Direction politique unifiée (Dpu) exhumée par le leader de la Ligue démocratique (Ld) n'agrée pas Ibrahima Sène, N°2 du Parti de l'indépendance
et du travail (Pit). À l'en croire, «c'est une erreur d'appréciation de la part du Pr Bathily», arguant que la situation actuelle est différente de celle de 2000 après la victoire de Me Wade. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, hier, M. Sène exige aussi que les procédures judiciaires concernant les résultats des travaux de la Cour des comptes, du Centif et de l'Ige soient diligentés afin que les détourneurs répondent de leurs actes devant la justice.


Ibrahima Séne «C'est une erreur d'appréciation de la part du Pr Bathily»
Quel commentaire faites-vous des contestations qui ont été notées au sein des Coalitions qui composent «Bennoo bokk yakaar», suite à la répartition des postes ministériels qui leur ont été attribués ?

Je pense qu'il ne faut pas confondre une contestation des Coalitions qui ont soutenu Macky Sall et les contestations à l'intérieur de chaque Coalition. Il n'y a pas eu de contestations des Coalitions sur la composition du gouvernement. Par contre, à l'intérieur de chaque Coalition,
il y a eu des problèmes, parce que des ambitions personnelles de positionnement se sont fait jour. Et puis, il y a eu certainement des vices de procédure dans la désignation des gens qui ont été proposés aux postes ministériels. Personne ne peut nier qu'il y a eu des problèmes dans chaque Coalition. Mais, nous, dans la Coalition «Bennoo Siggil Senegaal», Me El Hadji Diouf a claqué la porte. Il a même dit dans la presse que Bennoo Siggil Senegaal est la Coalition des vieux. Mais, qu'est-ce qu'il était venu faire dans cette Coalition, s'il a cette perception-là ? C'est paradoxal. Quand il s'agit de faire des choix pour désigner ceux qui doivent représenter une Coalition ou un parti, le minimum, c'est de respecter les instances de décisions, comme nous l'avons fait au Pit. Maintenant, il se peut qu'il y ait des contraintes de temps qui empêchent aux gens de se soumettre à cette obligation de consultation, mais, il revient aux Coalitions de se rendre compte de cette situation et d'en tirer toutes les conséquences, plutôt que d'étaler des états d'âme qui n'ont pas leur raison d'être, quand on veut construire.

La liste commune de «Bennoo bokk yakaar» aux Législatives ne risque-t-elle pas de créer plus de problèmes qu'elle ne va en régler ?

Ceux qui ne voulaient pas de la Coalition «Bennoo bokk yakaar» au deuxième tour de la Présidentielle, n'en veulent pas aussi aux Législatives. Cette Coalition représente la Nation. Voilà pourquoi elle a pu engranger 65% des suffrages du peuple. Cette Coalition, encore soudée pour aller aux Législatives, ça fait peur à tous ceux qui se rendent compte des changements qui vont intervenir à leur détriment. Tout simplement, parce que, pour telle ou telle raison, ils étaient liés au système de Wade oùils rêvaient de se substituer à ce système. Et ce rêve a été entravé par la naissance de la Coalition «Bennoo bokk yakaar». Donc, faut pas se tromper. Ces gens-là ne peuvent pas être heureux. J'entends même des
gens dire qu'ils n'ont pas été consultés dans la constitution des listes, et que, par conséquent, ils vont aller seuls. Mais, les listes et les quotas attribués à chaque Coalition ont été négociés par les Coalitions. Ceux qui ne faisaient pas partie de la Coalition «Bennoo bokk yakaar» au deuxième tour de la Présidentielle ne sont pas concernés. Ces gens-là auraient dû tirer les leçons du deuxième tour pour choisir dans quelle Coalition ils devaient se mettre pour pouvoir participer à la consolidation de cette nouvelle Alternance. Plutôt que de dire : «Moi, je suis autonome. Je ne suis pas dans une Coalition. Je vais participer. J'attends qu'on me consulte». Au nom de quoi ? La Coalition «Bennoo bokk yakaar» est l'expression de la volonté du peuple. C'est le bras politique du M23, comme «Bennoo Siggil Senegaal» était le bras politique des Assises nationales.

Ne pensez-vous pas qu'avec la réactivation de la Direction politique unifiée (Dpu) par le Pr Bathily, on risque d'assister à l'implosion de la Coalition qui a porté Macky Sall au pouvoir, comme ce fut le cas avec Me Wade après son élection en 2000 ?

Je pense que c'est une erreur d'appréciation de la part du Pr Bathily. Parce que les conditions qui ont amené la seconde Alternance, le 25 mars, ne sont pas les mêmes qu'en 2000. En 2000, on a pas eu un même mouvement comme le M23. On a eu le Fal qui est un rassemblement de forces politiques. Et le sort de l'Alternance dépendait de la cohésion et de la détermination des forces politiques au sein du Fal, pour faire appliquer les changements. Il n'y a pas eu de cohésion et de détermination. Il y a eu des capitulations devant Wade, et on a vu ce qui s'est passé. Mais, en 2012, nous avons la Coalition «Bennoo bokk yakaar», qui est le pendant du Fal, et en même temps, nous avons le M23. La différence entre la nature de «Bennoo bokk yakaar» et le Fal, c'est que «Bennoo bokk yakaar» est adossé aux Assises nationales. Alors que le Fal était un compromis politique pour le deuxième tour. Voilà la différence. Donc, fondamentalement, ce qui s'est passé en 2000 ne doit pas pouvoir se passer actuellement. Parce que les conditions ne sont pas les mêmes.

Que proposez-vous alors à la place de la Dpu ?

À la place de la Dpu dont parle Abdoulaye Bathily, ce qu'il faut au Sénégal, c'est trois choses. D'abord, que Macky respecte son engagement d'institutionnaliser le Comité de suivi des Assises nationales, pour qu'il veille à la mise en oeuvre de ces conclusions. Deuxièmement, que Macky accepte d'institutionnaliser le M23, pour que le M23 puisse prendre en charge ce que l'on appelle la demande citoyenne d'intervention et de contrôle. Et troisièmement, que soit inclus dans le calendrier électoral la tenue régulière des Assises nationales pour faire le point. Si on inclut la tenue des Assises nationales tous les cinq ans dans le calendrier et que ça soit constitutionnalisée, ces trois éléments vont faire que les conditions de la démocratisation du pays, de l'ancrage de la bonne gouvernance, de la citoyenneté et de l'état de droit seront réunies. «Bennoo bokk yakaar» a ce défi à relever auprès de Macky Sall. Si nous avons ça, on n’a pas besoin de Dpu. Pourquoi ? Parce que la Dpu, c'est une réunion de leaders politiques pour veiller à ce que les engagements soient respectés. Transposer automatiquement ce qui s'est passé en 2000, en 2012, c'est une erreur d'appréciation.

Par rapport à la situation économique du pays, on a entendu le nouveau régime la décrier fortement, déclarant même que les caisses sont vides...

Mais, écoutez, les caisses sont vides, cela veut dire qu'il n'y a pas suffisamment d'argent au Trésor public, pour s'occuper des urgences. Tout le monde sait que, s'il y avait suffisamment d'argent, Wade aurait satisfait les revendications des syndicats d'enseignants, rien que pour avoir la paix. L'allure avec laquelle Wade dépensait l'argent public présageait des difficultés de trésorerie. Le défi dans ce domaine pour le nouveau gouvernement est de diligenter les procédures judiciaires concernant les résultats des travaux de la Cour des comptes, du Centif et de l'Ige. Résultats sur lesquels l'ancien régime s'était assis. Les gens qui ont détourné doivent répondre de leurs actes devant la justice. L'Etat de droit existera. Macky s'est engagé à cela. Voilà pourquoi il ne faut pas que l'affaire Béthio Thioune cache ce besoin de faire respecter l'Etat de droit à tous les niveaux. Béthio Thioune doit répondre devant la justice, de même que les délinquants économiques. Par ailleurs, je me félicite de la baisse des prix des denrées de première nécessité. C'était, non seulement un engagement de Macky Sall, mais surtout une exigence de justice sociale. Et Macky s'y est pris intelligemment, parce qu'il n'a pas agi sur la fiscalité. Je salue l'esprit patriotique de l'Unacois et des autres opérateurs économiques d'avoir accepté de revoir à la baisse leur marge.

Propos recueillis par Barka Isma BA
Le Populaire