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Israël: Pourquoi les ultraorthodoxes refusent toujours le service militaire, après deux ans de guerre à Gaza

Rédigé par leral.net le Mardi 22 Juillet 2025 à 14:17 | | 0 commentaire(s)|

C’est un débat extrêmement vif en Israël, d'autant plus dans le contexte de la guerre à Gaza. Comment envoyer massivement les étudiants en religion juive, les « haredim », au front. Généralement, ils consacrent leur vie à l'étude de la Torah et du Talmud, les exemptant pendant des décennies, du service militaire obligatoire. Depuis juin 2023, le régime de dérogation a expiré et ils ont obligation de s’engager sous les drapeaux. Mais les membres de la communauté tardent à répondre à l’appel.


Les haredim (« ceux qui craignent Dieu », en hébreu) tardent à répondre à l’appel des drapeaux. Depuis que la Cour suprême a ordonné leur enrôlement l’an dernier, 24 000 d’entre eux auraient reçu une convocation par l’armée ; l’immense majorité n’a pas donné suite.

« Oui, j’ai reçu ma convocation. Mais je continuerai à étudier. Je n’envisage de partir pour rien au monde », tranche ce jeune étudiant de 20 ans, rencontré à l’entrée d’une yeshiva (une école religieuse) à Jerusalem. « Nous sommes guidés par la colonne de feu de la Torah, celui qui est relié à cette chose immense et divine, tout ça ne le concerne pas », poursuit le jeune-homme. Bien que hors-la-loi donc, la plupart des haredim estiment qu’ils servent Israël par leurs prières.

Mais ce discours passe de moins en moins dans l’opinion, surtout depuis le 7 octobre 2023. Shlomit Ravitsky Tur-Paz est chercheuse à l’institut israélien pour la démocratie, un centre de réflexion progressiste. Son propre fils entrait dans l’armée le jour où RFI la rencontre dans ses bureaux de Jérusalem : « L’appel aux réservistes est énorme. Avant, on était mobilisé un mois par an, et cela ne concernait pas tout le monde. Maintenant, c’est une population plus large, enrôlée parfois jusqu’à 300 jours par an, explique la responsable du programme religion et État de l’Institut. Tout s’effondre. Les gens, leurs familles, leurs entreprises, ne tiennent tout simplement plus le coup. On a donc absolument besoin de plus de soldats », tranche la chercheuse.



Les Haredim, 40 % de la population en 2025
L’armée le reconnaît. Les haredim formeront plus de 40 % de la population en 2050. C’est un modèle insoutenable depuis la guerre à Gaza. Une loi en préparation à la Knesset devait répondre aux nouveaux défis. Mais la semaine dernière, deux des principaux partis haredim ont quitté le gouvernement et la coalition formée avec le parti du Premier ministre Benyamin Netanyahu, le Likoud. Mécontents que le texte préparé par un membre du Parti au pouvoir ne les exonère pas de l’armée.

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L’opposition, elle, en a profité pour fustiger l’alliance au pouvoir. Les ultraorthodoxes ont soutenu Netanyahou dans sa très controversée réforme judiciaire l’an dernier contre la promesse d’une loi protégeant les haredim de la conscription, dénonce le camp libéral.

Pourtant, tous les ultra-orthodoxes ne sont pas hostiles au service militaire. Rien qu’en 2024, on estime de 600 à 800 ceux qui auraient été recrutés, dans des unités adaptées à leur mode de vie strict. Preuve que certains veulent prendre part à la guerre qu’ils soutiennent politiquement. Par exemple, pour la première fois ce mois-ci, une unité de combat haredi dont les membres se sont enrôlés l’an dernier a été déployée dans un secteur opérationnel de la police des frontières, très loin néanmoins du front actif.

Mais il faut accompagner tous ceux qui souhaitent s’enrôler, souvent contre l’avis de leur communauté, plaide Yossi Klar. Le jeune homme est bien placé pour en parler, lui-même est issu de cette communauté. À la tête de son ONG « l’Appel du drapeau » il conseille, soutient les haredim qui ont envie de s’engager. « La plupart des haredim qui veulent entrer dans l'armée ne cherchent pas à intégrer les parcours conçus spécialement pour eux », estime l’ancien soldat. Parmi les jeunes qui viennent le voir, des femmes ultraorthodoxes, des personnes qui ont quitté leur communauté. « On ne cherche pas à régler le problème des haredim dans l'armée. Le changement doit venir de la communauté elle-même. On est là pour ceux qui décident de rejoindre les rangs », défend Yossi Klar.

Certaines voix poussent pour priver la communauté d’une partie des avantages sociaux accumulés au fil des ans pour l’inciter à rejoindre massivement l’armée. Pour l’heure, les dirigeants, forts de leur influence accumulée, bloquent toute réforme. Le député du Likoud qui portait le texte de loi censée encadrer leur enrôlement est sur la sellette.


RFI