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Les convictions de Momar Ndao, président de l’Ascosen

Rédigé par leral.net le Lundi 21 Mai 2012 à 13:25 | | 4 commentaire(s)|

« Au rythme où vont les choses, le Sénégal file droit vers la récession »
. « Le gouvernement a commis l’erreur de négocier des baisses sur des prix spéculatifs »
. « La loi sur l’enrichissement illicite va entraîner un marasme économique et freiner les investissements »
. « La suppression de la surtaxe sur les appels entrants est la plus grosse erreur de Macky depuis qu’il est au pouvoir »
L’accession de Macky Sall au pouvoir avait suscité beaucoup d’espoir chez les Sénégalais. Mais la déception risque d’être, pour ces derniers, la chose la mieux partagée dans les mois à venir. C’est en tout cas le point de vue du président de l’Association des consommateurs du Sénégal (Ascosen), Momar Ndao. Dans cette interview qu’il nous a accordée, le consumériste fait le point sur les premiers actes posés par le nouveau régime. Et le tableau est plutôt sombre.


Les convictions de Momar Ndao, président de l’Ascosen
Le Messager : Quelle est votre appréciation par rapport à la baisse des prix des denrées de première nécessité ?

Momar Ndao : De mon point de vue, les membres du gouvernement de Macky Sall sont en train de travailler comme des amateurs. L’Etat ne doit pas connaître l’improvisation. Et si aujourd’hui la baisse des prix tarde à être effective, c’est justement parce que le professionnalisme n’a pas été de mise. Et cela, pour plusieurs raisons. La première, c’est que ce n’est pas au Premier ministre d’annoncer une baisse qui doit être matérialisée par un arrêté du ministre du Commerce. En prenant le risque d’annoncer 240 francs Cfa de baisse sur le prix du litre d’huile en fût, le gouvernement, par la voix de son Premier ministre, a agi sans consulter les techniciens du Ministère du commerce. En effet, l’arrêté 34-64 du 20 avril 2 012 fixant le prix plafond au détail de certaines variétés de riz brisé non parfumé, du sucre cristallisé et de l’huile en fût, dans sa note de présentation, dit qu’il y a une baisse de 40 francs « en valeur absolue sur le litre d’huile en fût soit 4 % en valeur relative ». Ce qui est un scandale quand on sait que le chef du gouvernement, lui-même, avait parlé d’une baisse de 240 francs Cfa.

L’autre manquement noté dans l’arrêté, c’est qu’il n’y est question que de riz brisé parfumé, sans aucune autre précision, qui est fixé à 435 francs le Kg. Or, il y a deux types de riz parfumé : le riz parfumé ordinaire dont le prix officiel était de 310 francs le Kg et le riz parfumé dit « de luxe » dont le prix est libre. En ne faisant pas la précision, l’arrêté vise donc tous les types de riz parfumé. Par conséquent, au lieu d’une baisse, il va y avoir une augmentation de 125 francs sur le Kg de riz brisé parfumé ordinaire.

La troisième erreur notée sur l’arrêté, c’est qu’il fixe le prix du riz brisé non parfumé à 280 francs le Kg au détail, sans fixer les prix au niveau des autres stades de commerce, tels que le demi-gros. Ce qui fait que les prix au demi-gros deviennent libres et les demi-grossistes ne sont pas tenus de vendre aux détaillants le sac de riz à un prix inférieur à 14 000 francs. Or, si le détaillant achète le sac de riz à ce prix, il aura une marge égale à Zéro s’il le revend à 280 francs le Kg tel que préconisé par l’arrêté. Ce qui revient à une perte économique interdite par la loi et qui fait que le détaillant ne va respecter les prix exigés par l’arrêté. Ce qui rend impossible l’effectivité de la baisse des prix des denrées de première nécessité. Et si l’administration insiste en verbalisant le détaillant, malgré la présentation d’une facture donnée par le demi-grossiste, ce dernier va boycotter le produit concerné. Et c’est justement ce qui justifie, aujourd’hui, la pénurie de l’huile en fût et du sucre cristallisé local que l’on note sur le marché.

L’autre absence de professionnalisme, c’est que le gouvernement n’a écouté qu’une partie non déterminante des acteurs et une seule partie de l’organisation la plus représentative des commerçants. Et en n’impliquant pas les acteurs tels que les associations de consommateurs, le gouvernement ne pouvait pas avoir le son de cloche différent qui serait apporté par les consuméristes et qui lui aurait permis de se positionner en arbitre et de renforcer sa position de décideur. Le résultat de tout cela, c’est que le gouvernement se rend compte aujourd’hui de l’inefficacité de sa démarche, un mois après la décision annoncée de baisser le prix des denrées de première nécessité.

Qu’est-ce qui explique que certains commerçants aient baissé leurs prix et pas d’autres ?
Les prix qui ont été baissés sont des prix de spéculation. Le gouvernement a commis l’erreur de négocier des « soi-disant » baisses, fondées non pas sur les prix officiels mais sur les prix spéculatifs. Ce qui fait que les commerçants ne perdent rien en procédant à des baisses. Ils ramènent juste leur marge à la taille normale, tout en annonçant avoir baissé les prix.

Est-ce à dire que les consommateurs sont roulés dans la farine ?
Absolument ! Les consommateurs sont roulés dans la farine. Ils deviennent pour les dindons de la farce. Ce à quoi nous assistons, c’est plus à un mirage qu’à une baisse. C’est le désarroi total pour le consommateur. D’autant plus que le sucre cristallisé sur lequel la baisse est plus importante, a disparu des étals et des boutiques. Finalement, le consommateur n’a que ses yeux pour pleurer sa déception par rapport à la promesse de campagne qui avait valu beaucoup de suffrages au candidat Macky Sall.

Vous qui tâtez le pouls des consommateurs, quel est leur sentiment ?
Les populations sont déçues et cela pour plusieurs raisons. Dont deux fondamentalement. La non effectivité de la baisse des prix, qui fait penser que le gouvernement de Macky ne leur dit pas la vérité par rapport à la baisse des prix des denrées et le fait qu’elles s’attendaient à une baisse sur tous les types de riz et sur tous les formats d’huile, dont les dosettes. Mais également sur le transport, le loyer, les bonbonnes de gaz, etc. Hélas, par rapport à tous ces produits de première nécessité, l’annonce de baisse, non encore concrète, ne concerne que trois prix officiellement.

A votre avis, quels sont les leviers à activer pour rendre effectives les baisses annoncées ?
L’arrêté du ministère du Commerce doit être repris pour être opérationnel. Il faut définir la marge du demi-grossiste et du grossiste. Ce qui permet au détaillant d’acheter le sac de riz à un prix qui lui permettra de respecter les dispositions de l’arrêté. Il faut que le détaillant achète le sac de riz à 13 250 francs pour pouvoir le revendre à 280 francs le Kg, avec une marge de 15 francs sur le Kg, soit 750 francs sur le sacs.

Est-ce que les autorités concernées disposent de ces informations ?
Elles ont toutes ces informations. Après notre réaction pour contester la mise à l’écart dont ont été victimes les associations de consommateurs, la ministre du Commerce nous a reçus, tout en précisant que c’était une réunion de prise de contact et en expliquant qu’elle ne pouvait pas le faire avant, du fait de certaines urgences. Mais en le disant, elle oubliait que l’urgence, c’était nous. Au cours de la séance de travail, nous sous sommes rendus compte qu’elle n’avait presque aucune information sur certains dossiers cruciaux de son ministère. Et face à notre étonnement, elle nous répondit qu’elle n’a trouvé aucun dossier. Ce qui est grave parce qu’il y a eu quand même une passation de service. Quand on a regardé la composition de son staff, qui prenait part à la réunion, sur environ une dizaine de conseillers, il n’y avait qu’une personne ou deux qui étaient déjà dans le département et qui connaissaient un peu l’historique. Nous avons l’impression que tous les anciens conseillers qui connaissent le dossier ne sont plus dans le ministère. Ce qui serait une catastrophe. En fait, c’est tout simplement de l’amateurisme.

Dans le registre des mesures, il y a également la suppression de la surtaxe sur les appels entrants. Comment l’appréciez-vous ?
C’est la plus grosse erreur que Macky Sall ait faite depuis son accession au pouvoir. Sa première sortie du territoire national, c’était pour aller emprunter de l’argent en France. L’autre décision avait trait à la suppression de certaines agences et enfin la dernière, concernait la baisse des salaires des directeurs généraux des sociétés nationales. C’est dire donc que Macky Sall passe son temps à chercher de l’argent. Dans ces conditions, comment peut-il renoncer à une somme financière aussi importante que les 60 milliards de francs Cfa annuels prévus par les appels entrants et qui viennent des poches d’organismes internationaux, d’entreprises internationales, de pays souverains et de Modou-Modou ? Comment peut-il opter pour l’augmentation de la pression fiscale sur les nationaux plutôt que de prendre de l’argent sur les étrangers ? C’est scandaleux ! D’autant plus que c’est uniquement pour faire plaisir à la Sonatel qui a vu son chiffre d’affaire passer de 599 milliards de francs en 2 010 à 635 milliards en 2 011. Et cela, malgré la mise en place de la surtaxe sur les appels entrants. Cette entreprise qui a vu son chiffre d’affaire augmenter de 36 milliards et son résultat d’exploitation arriver à 235 milliards avant impôts.

La Sonatel et ses travailleurs nous tympanisaient en disant qu’avec la surtaxe ils allaient perdre entre 20 et 30 % de leur chiffre d’affaire. D’ailleurs, on peut voir, en parcourant son rapport annuel de 2 011, la Sonatel se glorifier en parlant de « performance financière maintenue, de maintien de la dynamique de croissance rentable sur l’ensemble de l’année malgré la mesure de la surtaxe sur les appels entrants réintroduite au 4ème trimestre ». Tout en indiquant que son chiffre d’affaires était de 562,626 milliards de francs en 2 009, 599,002 milliards en 2 010 et 635,361 milliards en 2 011 soit une augmentation, chaque année, de 36 milliards de francs. Et Sonatel dit que son résultat d’exploitation était de 223,884 milliards en 2 009, 228,039 milliards en 2 010 et 235,764 milliards en 2 011, malgré la mise en place de la surtaxe sur les appels entrants en 2 010 et 2011.

Est-ce à dire que les consommateurs doivent s’attendre au pire avec Macky ?
Les consommateurs doivent effectivement s’attendre au pire face à un Président qui protège les étrangers au détriment des nationaux pour les beaux yeux du petit frère du Premier ministre, ci-devant directeur général de la Sonatel. Mais, tout cela risque de se retourner contre lui. Il est clair que les Sénégalais l’attendent au tournant des prochaines élections législatives.
On parle également de baisse du train de vie de l’Etat avec, notamment, la baisse des salaires des directeurs de sociétés nationales et autres.
Ce n’est pas une bonne démarche. Il aurait été plus indiqué de parler d’optimisation des dépenses. Si vous ne donnez pas les moyens nécessaires à une structure de l’Etat qui est cruciale, les performances de cette structure s’en ressentiront. Est-ce qu’au nom de cette réduction du train de vie de l’Etat, on ne va pas donner des moyens à la direction du Commerce intérieur qui n’a que 245 agents sur le terrain sans presque pas de moyens logistiques ? Pour illustration pendant très longtemps, la Douane a été le parent pauvre de l’administration alors qu’elle est centrale dans le financement de l’Etat. Il a fallu que Me Wade les mettent dans des conditions plus optimales pour voir les recettes fiscales augmenter de façon extraordinaire. Est-ce que, au nom de la réduction de train de vie de l’Etat, on doit priver des pans entiers de l’administration des moyens leur permettant d’être performants ? De mon point de vue, si l’on paie 100 francs par mois à un agent qui ne fait rien et qui ne rapporte rien à l’Etat, c’est de l’argent jeté par la fenêtre. Mais payer un milliard par mois à quelqu’un qui nous rapporte 100 milliards, est plus opérationnel et plus constructif. Il ne faut pas regarder ce que gagnent certains agents de l’Etat sans prendre en compte le rôle central qu’ils jouent au sein de l’Etat. Comment on peut dire, sous prétexte de diminuer le train de vie de l’Etat, que la fonction de conseiller municipal ou de maire est bénévole ou sous rémunérée alors que le maire est le premier magistrat de la ville et qu’il gère des milliards de francs Cfa ? C’est pousser les agents de l’Etat et les élus dans les bras de mère corruption. Pour les mettre à l’abri de ce fléau, il est important que les agents de l’Etat, qui supervisent des milliards de francs, soient suffisamment rémunérés pour être à l’abri de la tentation. C’est des mesures politiques qui peuvent parfois entraîner de la non performance dans certains secteurs de l’administration.

Est-ce à dire que vous êtes contre la baisse annoncée sur les salaires de directeurs de sociétés nationales ?
Absolument ! Ces gens doivent gagner suffisamment pour résister à certaines tentations. Un directeur général d’une entreprise qui gère des milliards doit être logé à un niveau de revenus lui permettant de faire son travail en toute sérénité. Si Macky Sall veut véritablement la transparence, il doit interdire à tous les directeurs généraux de structures nationales de faire de la politique. Parce que s’ils sont dans la politique, ils vont forcément entretenir leurs militants ; et leurs besoins vont, logiquement, dépasser le cadre du raisonnable. Le fondement de la corruption se trouve dans le besoin d’entretenir une clientèle politique de plus en plus présente et de plus en plus exigeante. On devrait également interdire aux ministres de s’adonner à la politique et de n’être que des techniciens concentrés sur leur mission. Ceci contribuerait à un assainissement extrêmement important des mœurs et dérives qui ont couramment cours dans le landerneau politique sénégalais.

Justement, pour rester dans la transparence, que pensez-vous de la réactivation de la Cour de répression de l’enrichissement illicite ?
C’est une autre grosse erreur de Macky Sall. Lorsque Diouf a mis en place cette cour, le Sénégal a traversé des moments difficiles, parce que tous ceux qui ne pouvaient justifier leur fortune ont planqué leurs économies dans les paradis fiscaux. Si l’histoire se répète, cela va entraîner un marasme économique et freiner l’investissement. Cette mesure sera alors contre-productive. De plus, la loi sur l’enrichissement illicite est une loi qui est contraire au droit de la défense qui est garantie par l’adage juridique qui dit « actor incubit probatio » qui veut dire « la charge de la preuve, dans un cas comme cela, revient à celui qui initie l’action ». C’est donc à ladite Cour de prouver que quelqu’un s’est enrichi de manière illicite. Loin de moi l’idée d’absoudre un voleur de deniers publics, mais l’expérience a montré que cette cour a été l’un des regrets du régime qui l’avait mise en place. Cela ne sert à rien de retomber dans des erreurs déjà commises.

On peut alors dire que cette mesure va entraîner une perte d’argent puisqu’il faudra mettre des moyens à la disposition de ses membres.
C’est effectivement une perte d’argent. Et il y a pire encore. C’est que les dégâts que cela va créer sur le plan des investissements et des affaires sont plus importants que les gains politiques. Et si l’on y prend garde, la poursuite de ce type de mesure va entraîner très rapidement une récession de notre économie. Parce que beaucoup d’investisseurs pourraient avoir peur de venir s’installer dans un pays où une cour peut se lever pour vous demander de justifier la provenance de vos avoirs, dès l’instant que vous avez eu à travailler avec des fonctionnaires à des niveaux de décision susceptibles d’être concerné par la loi sur l’enrichissement illicite. En fait, on a l’impression que le gouvernement de Macky Sall est en train de faire du misérabilisme, de tirer les gens vers le bas. Le problème du Président Macky, c’est qu’il ne sait pas comment trouver de l’argent. Ce qu’il doit faire, ce n’est pas de diminuer les charges mais, plutôt, de créer des ressources et d’optimiser les dépenses. On a l’impression que le gouvernement ne sait pas créer des ressources. Et dans ce cas, on va vers la récession.

Propos recueillis par Thiané Ndiaye



1.Posté par baye le 21/05/2012 16:05 | Alerter
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Je suis vraiment en phase avec vous, M. Ndao, sur toute la ligne.

2.Posté par Mackyiste le 21/05/2012 16:51 | Alerter
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Vraiment Momar ta vigiliance est à saluer ! Moi je fais partie du camp de Macky, mais tout ce que vous dites est vrai. Nous devons le reconnaitre.

3.Posté par borom djassi le 22/05/2012 12:09 | Alerter
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Momar, topal fale, qui se sent morveux.... alors on t'a vu coutoyer trop le pouvoir pour quelqu'un qui défend les consommateurs. ASCOSEN est pour toi une existence et un moyen d'influence de la classe politique. je t'ai vu à Bruxelles, défendre Wade bec et ongle pour les accords ACP, je t'ai vu bec et ongle défendre Wade en prônant la redistribution de l'argent généré par la surtaxe téléphinique. tu ne comprends rien en économie. L'argent ne manque pas au Sénégal, ce qui manque dans ce pays Macky qui 10000 fois plus expérimenté que toi l'a bien compris: créer un environnement des affaires plus attrayant. L'une des clés c'est la justice. Si les investisseurs n'aiment pas la justice, c'est qu'ils ne sont pas licites. tu devrais encourager. L'argent coule à flôt dans notre pays et malgré tout tu ne parles pas du taux d'inflation le plus élevé au monde.

Sois véridique!!!!!!

4.Posté par abdou fall le 24/05/2012 22:21 | Alerter
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Borom djassi, Momar est libre de faire de la politique s'il le veut en tant que citoyen. Et il n'y a aucune contradiction avec la défense des consommateurs, mais ce n'est pas cela le débat. Ce qu'il dit est très juste. Et tu n'as aucun argument valable pour démonter le Président Momar Ndao

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