OUSTAZ ALIOUNE SALL : «Je devais être candidat à l’élection présidentielle, mais c’est la caution fixée à 65 millions Cfa qui m’a fait reculer»

Animateur religieux, Oustaz Alioune Sall, plus connu pour ses prêches, va explorer le champ politique pour les Législatives du 1er Juillet aux côtés du mouvement de la réforme pour le développement du Sénégal de Imam Mbaye Niang. Dans cet entretien, il revient sur les motivations qui ont guidé son action, les raisons qui l’ont poussé à se ranger derrière Imam Mbaye Niang. Le célèbre prêcheur qui n’entend rien changer dans sa manière de faire, se dit prêt à encaisser les diffamations et autres coups bas qui minent le champ politique s’il accède à l’Assemblée nationale.

Votre nom figure sur la liste du Mrds d’Imam Mbaye Niang, comment en êtes-vous arriver là ?

Dans la vie, chacun de nous est doté d’une expérience qui peut amener les gens à penser que tu peux apporter un plus dans la marche de la société. Et en tant que citoyen, on n’a pas le droit de garder cela. J’ai pensé que je pouvais apporter ce plus, c’est pourquoi je me suis dit que si des gens me sollicitent pour cela, je me dois d’accepter. C’est ce qui m’a poussé à aller aux Législatives et à faire partie de la liste nationale du Mouvement de la réforme pour le développement du Sénégal. Je pense que je fais partie des cinq premiers sur la liste. J’occupe la troisième place, car avec la parité, c’était un peu difficile. Il faut impérativement que le secrétaire général du parti soit en tête, suivi d’une femme, et je pense que je viens après.

Pourquoi avoir choisi de cheminer avec Imam Mbaye Niang et pas avec les autres ?

Ce n’est pas parce que je trouve que les listes des autres partis politiques ne sont pas intéressantes, mais c’est juste que quand on est un vrai croyant et que l’on est sollicité de toutes parts, le plus élégant est de répondre favorablement à la demande du premier. Et il s’est trouvé que c’est Imam Mbaye Niang qui a été le premier à venir vers moi.

Qu’est-ce qui motive réellement votre entrée dans la scène politique ?

C’est juste que je pense être doté de capacités assez importantes pour servir mon pays à travers l’Assemblée nationale. Je veux partager mon vécu avec toute la population. Mais surtout, je veux que mon message soit plus perçu et écouté par la population. J’ai commencé à faire des prêches dans une maison, puis dans une mosquée, dans les conférences de quartier, à la radio et même à la télé. Donc je pense que l’Assemblée nationale est aussi un lieu approprié pour faire bénéficier les Sénégalais de mon expérience.

Combien de temps cela vous a-t-il pris pour donner une réponse favorable à la proposition d’Imam Mbaye Niang ?

Cela a un peu duré. Il m’en a parlé bien avant l’élection présidentielle. Car nous étions persuadés que les mandats des députés allaient bientôt expirer et qu’il fallait qu’on aille aux Législatives pour former une nouvelle Assemblée. Mais le problème, c’est que je ne savais pas si nous allions y participer en solo ou dans le cadre d’une coalition. Certains avaient même dit que nous irions avec la coalition « Bennoo Bokk Yakaar », mais au final, il s’est trouvé que les choses ne se sont pas passées de la façon que nous espérions. C’est pourquoi il est revenu me dire qu’il ira seul et que tous les gens qu’ils avaient contactés et qui souhaitaient cheminer avec lui, étaient toujours les bienvenus. Comme j’en faisais partie, je n’ai pas hésité.

Est-ce que c’est la première fois que vous faites de la politique ?

Si faire de la politique, signifie faire partie d’une liste, je peux donc dire que c’est la première fois que je fais de la politique. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que nul ne peut être dans une société sans faire de la politique. Ce sont les méthodes qui diffèrent. Quand on fait de la politique, on ne doit pas avoir de partis pris. Je n’ai jamais raté une élection, j’ai toujours voté. J’ai toujours mené ma campagne à ma propre façon. Je ne me suis jamais affiché. Je n’ai jamais donné de consigne de vote, car quand on est apprécié par diverses personnes, on n’a pas le droit de s’afficher. La politique est fondamentale pour un pays, car c’est ce qui fait marcher le pays. Et c’est ce que le prophète Mouhamed (Psl), nous a appris.

Etes-vous prêt à subir les conséquences de la politique, si l’on sait que c’est un milieu fait de calomnie, de diffamation….

C’est ce qui m’a le plus poussé à vouloir intégrer l’assemblée nationale. Car je pense que ce sont des pratiques qui doivent disparaitre. La politique ne doit pas forcément être une affaire de médisance, de calomnie, de propos discourtois, des disputes. Cela doit cesser. Il faut que la classe politique se regroupe et se demande pourquoi tant d’insultes, tant de haines, se demande pourquoi il n’y a pas de secrets en politique. La politique ne doit pas être malsaine, ou comme si on se disputait l’amour d’une fille et que chacun doive chercher à dire du mal de l’autre pour que la fille tombe sous son charme. En politique, chaque candidat doit présenter un programme clair aux yeux des populations. Tenir des discours cohérents pour faire adhérer les gens à la cause que l’on défend. Mais la calomnie n’a pas sa place à l’assemblée. Quand les gens disent du mal de toi, ils vont comprendre que c’est juste de la politique. Et toute personne qui entre dans ce milieu se prépare en conséquence. Les députés doivent savoir qu’ils sont à l’assemblée pour défendre les intérêts de la population. Ils sont le relais entre l’exécutif et la population. Ils doivent intervenir à chaque fois que l’Etat veut passer outre les désirs de la population.

Mais est-ce que vous êtes prêt à répondre coup pour coup et faire face à vos détracteurs ?

Si les gens disent du mal de moi, je rendrai grâce à Dieu. Car le Prophète Mouhamed (Psl) est passé par un chemin parsemé d’embuches. Il a tout entendu. Et toute personne qui pense pouvoir faire de la politique sans être calomniée, se trompe lourdement. Le prophète a été taxé de charlatan et Dieu répondait toujours pour lui. Si les gens disent du mal de moi, le peuple va répondre. Les gens ne sont plus dupes. Ils savent distinguer le vrai du faux. Je suis prêt à tout encaisser pour défendre les intérêts des populations, mais je n’ai pas le temps de répondre à des futilités.

Mais en tant qu’animateur religieux, n’avez-vous pas peur que votre entrée dans la politique vous empêche de faire votre travail ?

Non. Ce n’est pas le même domaine. J’exerce un métier pour lequel j’ai de l’expérience. Je pourrai allier tous les deux. Le micro appartient à tout le monde, l’Assemblée nationale aussi, mais ma maison m’appartient. L’animateur de radio n’aura rien à voir avec le politicien. Je ne vais pas changer d’orientation pour ce qui est de mes prêches. Je devais même participer à l’élection présidentielle, mais je n’avais pas les moyens. Je devais être candidat. C’est la caution fixée à 65 millions Fcfa qui m’a fait reculer.

Mais votre audimat peut en subir les conséquences ?

Mais au Sénégal il y a la politique, la tradition et la religion. Je n’entre pas en politique pour tourner le dos à la religion. Je ne peux aller dire à tous mes auditeurs la raison qui m’a poussé à faire de la politique. Mais à travers mon action, ils sauront clairement que je ne vais pas tourner le dos à l’Islam.

Que comptez-vous apporter de nouveau à l’Assemblée si vous y accédez ?

Je veux que les députés sachent qu’ils ont un seul objectif : le bien-être des populations. Changer les mentalités des uns et des autres. Essayer de savoir ce qui ne marche pas au sein de l’assemblée et l’améliorer. Raffermir les relations entre les gens. Je veux faire en sorte que les députés réfléchissent à deux fois avant de voter une loi. Qu’ils essaient de savoir ce que cela peut apporter de positif au peuple. Je serais le député du peuple, si j’accède à l’assemblée.

Allez-vous lutter pour l’application de la charia au niveau de nos institutions ?

Non. Ce n’est pas mon rôle. La charia, c’est juste un changement de comportement et d’attitude. Ce que le mouvement Y en a marre disait lors de la campagne électorale est très important. Il faut que les gens soient de nouveaux types de Sénégalais (Nts). C’est tout ce que la charia demande et c’est ce qui peut révolutionner la marche de l’Assemblée nationale et du pays.

Comment allez-vous faire votre campagne électorale ?

Ma campagne ne sera pas comme celle des autres. Les gens me connaissent et ils savent ce que je vaux. Je n’ai pas besoin d’aller vers eux. S’ils ont confiance en moi, ils voteront pour la liste que je soutiens. Je ne dis pas que je ne vais pas descendre sur le terrain. Je ferai le tour de quelques quartiers, et dans mes conférences publiques, je prendrai quelques minutes pour faire ma campagne. Ce que je ne ferai pas, c’est profiter de mon temps d’antenne à la radio pour faire de la propagande.

Comment jugez-vous le travail de Macky Sall après un mois passé à la tête du pays ?

C’est trop tôt pour juger son action. Il faut que les gens lui laissent du temps. Tout ce que je peux dire, c’est que l’espoir est en train de renaître. Il y a une alternance dans tous les domaines, comme ce fut le cas en 2002. On peut arriver à tout en ce moment. Et si Macky Sall comprend cela, il pourra s’en sortir.

Que vous inspire l’arrestation de Cheikh Béthio Thioune ?

Je pense que si une affaire est pendante devant la justice, il faut laisser la justice faire son travail. Tout ce que je peux dire c’est que je prie pour que Dieu l’assiste.

CODOU BADIANE
Source L'Observateur